Premières pages de l'ouvrage en rédaction sur l'évolution de nos institutions, et le passage d'un Etat central à un Etat Multipolaire, ayant pour base de recherche mon doctorat:"Lorsqu’en
septembre 2011, je soutiens mon doctorat en droit,
j’expose la thèse qu’à côté des Etats fédéraux et des Etats
centraux, il existe une troisième forme : l’Etat décentralisé
qui possède une logique propre à lui-même, exactement comme les
deux autres formes d’Etat en possèdent une.
L’Etat
décentralisé n’est en rien un sous-produit de l’Etat central.
C’est la raison pour laquelle, me semble-t-il, nous vivons en
France un lent processus, surtout depuis l’après seconde guerre
mondiale, qui va d’une décentralisation territoriale vers
l’avènement d’une décentralisation politique dont les
évènements sociaux, écologiques et politiques rendent
inéluctables, même si les pouvoirs centraux feraient tout ce qui
est en leur pouvoir, dans un dernier soubresaut, pour retarder cet
avènement.
Je
m’étais de ce fait concentré sur l’histoire de la justification
fiscale, que j’appelai pour l’occasion la « raison
fiscale », de l’ancienne France à notre époque d’une
France décentralisée contemporaine pour en comprendre le mouvement.
Mais,
dix ans après, je me dois de nommer cette « décentralisation »,
de la baptiser en quelque sorte, ne pouvant pas la laisser dans sa
dénomination de « décentralisation » et donner à
croire encore que le mouvement serait réversible, d’autant plus
après les premières expressions populaires d’appel à une
démocratie plus localisée et plus directe.
L’Etat
décentralisé contemporain désireux d’une décentralisation
politique du pouvoir verrait forcément la sphère citoyenne
participer directement à l’ordre du pouvoir qui trouve son
expression dans la prise en considération des différents pôles de
notre société; et met derrière nous définitivement la parenthèse
historique du pouvoir central, n’ayant véritablement était
effectif qu’à partir de Napoléon.
C’est
en ce sens que le terme d’ « Etat multipolaire »
dénommera maintenant la forme ancestrale, permanente et actuelle de
la France, correspondant bien en un pouvoir et une organisation qui a
dû de tout temps composé avec l’ensemble de la société tant
provinciale que parisienne, tant d’en haut que d’en bas, voyant
ainsi le passage au cours de la Révolution de 1789 d’une société
d’ordres vers une société de classes, et actuellement en 2020,
d’une société de classes vers une société de groupes.
Mais,
dans toutes ces situations, c’est bien l’ensemble de la société
qui doit être prise en compte, sans quoi le basculement d’une
organisation à l’autre passera forcément par des turbulences plus
ou moins importantes.
Je
vais ainsi en des mots simples essayer de retracer les arguments de
ce doctorat en droit pour bien faire comprendre le mouvement
historique qui anime la France et où à la fin duquel se dégage à
fortiori cette idée que l’Etat central, qu’on apprend à l’école
comme la forme de l’Etat français, n’est en fait qu’un moment
minoritaire de son histoire, qu’il concerne essentiellement une
période qui s’étend à peu près avec des hauts et des bas de
l’Empire de Napoléon 1er
à notre époque actuelle, année 2020 pour le texte que je suis en
train d’écrire, que les relents de centralisme ne sont en
définitif qu’une tentative désespérée d’un Etat qui ne
possède plus les moyens de ses ambitions et qui devra se rendre à
l’évidence qu’il ne peut plus structurer le pays dans une forme
institutionnelle anachronique qui vise à centraliser toutes les
décisions.
Cette
page se tourne pour l’unique raison que cette organisation
politique centraliste ne correspond pas à la volonté du peuple
français, si elle ne lui a même peut-être jamais réellement été.
Je
rappelle qu’à de nombreuses reprises des chefs d’Etat ont tenté
de redonner aux localités une partie des rennes du pays. Ces
volontés n’ont pas existé par hasard, elles étaient l’expression
d’une réalité du territoire qui fait d’un pays complexe la
nécessité de restituer à la localité et aux citoyens les rennes
de leur destin, l’Etat n’étant au final qu’un partenaire,
important, qui permet à la volonté territoriale et populaire de
faire corps ; mais pas plus. Comme l’avait montré Léon
Duguit,
la souveraineté n’est pas l’apanage de l’Etat, elle appartient
à l’ensemble de la société, si ce n’est que pour une question
pratique d’organisation des services publics.
Il
y a dix ans quand je rédigeais mon doctorat, je commençais alors
par citer le premier article de la Constitution de 1958 pour montrer
que le fait décentralisé était même acté par l’Etat lui-même.
Cet article explique, après la réforme constitutionnelle du 28 mars
2003 que : « La
France est une République indivisible, laïque, démocratique et
sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens
sans distinction d’origine, de race et de religion. Elle respecte
toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».
En
relisant cet article, et en connaissance des évènements qui ont eu
lieu de 2011 à 2020, je me suis alors demandé « pourquoi
écrire un tel article si nous n’avions ni la volonté et ni le
désir de le respecter ? ». Je m’interroge alors
sincèrement sur l’intérêt d’écrire une belle Constitution
s’il n’y a pas les institutions adéquates à la faire respecter,
si face à une simple volonté présidentielle ou plus largement
étatique, elle puisse être remise en cause sans que personne ne
dise rien et attende que la population descende dans la rue, devenant
finalement le seul et vrai rempart contre toute forme d’arbitraire.
Ces
dernières années ont montré d’une façon exemplaire que bien
plus que la connaissance de la Constitution, il devenait important de
développer un savoir social, historique et juridique sur les
institutions car, c’est à leur niveau qu’un pays s’organise et
prend en considération son peuple.
C’est
aussi la raison pour laquelle, je me présente souvent
professionnellement aujourd’hui comme « institutionnaliste »,
c’est-à-dire comme une personne analysant les institutions dans le
sens où il devient évident que sans les outils adéquates mis dans
les mains des citoyens, toutes les dérives sont à craindre.
La
force d’un Etat est et demeure avant tout l’équilibre de ses
pouvoirs, et sans un pouvoir citoyen régulateur de leur
indépendance, sans son ancrage dans des institutions visibles, ce
pouvoir reste flottant et n’a plus pour s’exprimer que la
manifestation, pour le coup, visible.
La
place des institutions est donc fondamentale dans toutes les formes
d’Etat, y compris les Etats multipolaires qui doivent concrètement
acter l’existence et la prise en compte des localités, des
citoyens et de leur capacité d’être libres et de décider de leur
destin.
Je
me suis intéressé à la fiscalité sans savoir que neuf ans plus
tard ce serait une question d’augmentation de la taxe sur l’essence
qui déclencherait le mouvement des « gilets jaunes »,
mais force de reconnaître qu’à l’identique des temps anciens,
la fiscalité provoque encore des manifestations et permet de
concentrer les revendications car, il y a une permanence dans l’impôt
dans le sens où il reste une ponction arbitraire, voir clientéliste,
dans la société pour faire vivre un Etat et ses administrations.
L’acte même voté chaque année par le parlement qui définit la
volonté populaire de consentir à l’impôt s’est transformé en
une obligation permanente.
Le
premier constat que je dresse à cette époque, est que lorsqu’on
vous parle d’impôt il est toujours question des taux, des bons
plans, des avantages, de l’optimisation, mais jamais de la
justification à nous prélever. Cette dernière raison se révèle
pourtant primordiale, pourquoi et comment on nous prélève l’argent
qui permet de faire vivre un Etat et mettre en place sa politique.
J’ai
toujours pensé que la forme de la fiscalité révèle la forme de
l’Etat, et que si un Etat a une fiscalité centralisée pour
alimenter un Etat centrale, la fiscalité doit se polariser pour
répondre aux exigences d’un Etat multipolaire. La seule question
devient de s’interroger sur les formes de cette polarisation de la
fiscalité dans la mesure où elle doit mettre en avant le partage de
la souveraineté avec la société civile et les citoyens, établir
une certaine forme de régulation de ce symbole même de la puissance
d’un Etat.
En
faire l’histoire devient donc une nécessité incontournable pour
comprendre d’où l’on vient et où l’on va et ne pas vivre
comme ces derniers temps des réformes qui sont précisément la
manifestation d’un Etat central mourant.
Dans
l’histoire, l’impôt nait avec la guerre. Cette dernière devait
paraître « juste » pour lever les fonds. Mais, les
besoins devenant de plus en plus importants, notamment pour
entretenir les troupes aux repos, qu’en 1439, Charles VII édita
l’ordonnance sur l’établissement d’une armée permanente et
réserve au roi la primauté sur la taille que plus aucun seigneur ne
peut percevoir sans son autorisation. Cette ordonnance se présente
couramment comme l’établissement de l’impôt permanent.
L’objet
n’est pas tant de faire œuvre d’érudition mais, bien de faire
comprendre que la permanence s’est substituée à la nécessité et
à la volonté.
Dans
l’ancienne France, société d’ordres, l’impôt était organisé
par pallier. « Au
fur et à mesure, de nouvelles idées naissent directement en réponse
à l’absolutisme royal, et sans forcément établir de liens
théoriques entre elles : des idées de liberté, d’égalité
entre les hommes, d’économie libérale, de monarchie
constitutionnelle. La situation se dégrade de plus en plus au
XVIIIème siècle ; la royauté se doit de réagir, mais toutes
ses tentatives échouent.
Les
Parlements
se lèvent contre l’autorité de Louis XV et contestent la création
de nouveaux impôts appelant la contribution des nobles. Les
privilégiés ne veulent pas changer ».
L’impasse
appelle la convocation des États Généraux pour 1789. Les cahiers
de doléances, sur cette question,
«confirme dans l’impression que le problème de la fiscalité
avait été vraiment sous l’Ancien Régime quelque chose de
crucial, presque existentiel ».
Rien
n’arrête le temps et l’histoire, le déficit public se creuse
alors de plus en plus, propre à tout système fiscal en crise, et
l’impôt de l’ancienne France organisé par ordre change de fait
par son étatisation. La Révolution consacre de fait les prémisses
d’une société de classes qui se renforce au XIXème avec l’autre
Révolution : « industrielle ».
Les
remises en question actuelles tant du pouvoir que de la fiscalité
sont du même ordre et apparaissent dans une période de profonds
déficits avec une classe dirigeante qui ne souhaite pas lâcher ses
privilèges. Les périodes de basculement se manifestent souvent par
une rigidification des systèmes en place. C’est pourquoi, je pense
que nous assistons au passage d’une société de classes vers une
société de groupes et la remise en cause du système économique
mondialiste par les questions d’énergie, de matière, de
surproduction, d’hyperconsommation, de difficulté à prévenir la
pauvreté, indique précisément cette mutation.
Contrairement
à beaucoup de commentaires, nous ne rentrons pas dans le mondialisme
parce que nous étions déjà dedans mais, nous quittons le
mondialisme d’où les crises à répétition.
Une
nouvelle appréhension de la Terre commence à faire jour et l’envie
d’une économie et d’un ordre politique plus libre et proche de
la localité se manifeste. Ce mouvement est profond, culturel, et
rien ne peut le remettre en cause et c’est pour ce fait qu’il
aura un impact sur notre fiscalité qui va être remodelée en
profondeur.
L’Etat
multipolaire qui réapparaît est le fruit de l’histoire d’un
pays complexe, animé de différents groupes qui, par la force des
évènements, vont devoir se parler, communiquer entre eux et établir
un nouveau rapport de force dans lequel forcément les citoyens
devront être pris en compte car, ils sont l’un des pôles qui
compose l’Etat.
Ne
nous y trompons pas cette transformation demande aussi une profonde
mutation de nos institutions, certaines devront mourir et d’autres
devront naître.
Cette
transformation demande aussi que bien des thématiques politiques
soient traitées autrement par d’autres ministères que ceux qui
les traitaient jusqu’à maintenant.
C’est
de cette histoire que je vais donc vous parler, celle qui commence
dans l’ancienne France a l’avènement des Capétiens et qui nous
amène à la redécouverte d’un Etat multipolaire contemporain."