vendredi 2 octobre 2020

La sécurité sociale, un géant aux pieds d'argile

Plus lourd financièrement que l'Etat lui-même, d'environ 500 milliards diffusés dans la société par des remboursements et paiements directement à des professionnels, des pensions directement versées aux assurés, des aides là-aussi directement versées, un système qui soutient notre économie, qui est devenu aux cours des années un socle et une condition sinequanone à la justice sociale et dont nous n'imaginons pas qu'un jour elle pourrait être en cessation de paiement, et pourtant cette hypothèse d'école demande plus que jamais aujourd'hui d'être prise au sérieux.

Il est vrai qu'un tel système, si lourd et massif, possède forcément ses dérives, que certains ont chiffré. On entend qu'il y aurait 5 millions d'affiliés fantômes, et la lutte contre ces dérives est certainement une nécessité, mais ce ne sont pas elles qui menaceraient la sécurité sociale de cessation de paiement, ou dit autrement de banqueroute. Elles l'handicapent, c'est certain, alourdissent ses dépenses, mais la "sécu" arrive encore à faire face. Non, ce qui la menace plus que jamais , c'est sa logique institutionnelle et sa base de financement. 

Née à la sortie de la guerre, alors que le plein emploi régnait et que la France était à reconstruire, elle a pu avoir le luxe de fixer des règles d'affiliation à l'époque qui allaient de soi, les salariés cotisés via leur employeur, et cette masse financière suffisait à pourvoir à l'ensemble des dépenses, moins nombreuses il est vrai.

Mais, les crises économiques se sont empilées et se multiplient à un rythme accéléré, les raisons de l'affiliation ne peuvent plus être le simple salarié, les dérogations se multiplient, les situations aussi, sans compter ceux qui ne connaitront peut-être jamais le travail ou un emploi salarié. Des systèmes à côté se développent pour les travailleurs non salariés, et nous mettons le doigt dans une complexification accélérée. Or, les droits à la sécurité sociale dépendra de votre affiliation. Cette insécurité, provenant de celle qui doit vous sécuriser, nous laisse à penser à l'arroseur arrosé.

La fragilité de ce géant découle de cette situation qui a fabriqué son financement sur la base des cotisations du travail et des entreprises, et qui a forcément craquelé et montré son insuffisance dans une situation sociale qui devient de plus en plus urgente et préoccupante. Il a fallu élargir ce financement avec la CSG, mais même celle-ci se révèle insuffisante. Toutes ces cotisations se réalisent en effet sur du capital fixe alors même que les plus grandes masses d'argent circulent dans les flux financiers, inaccessibles actuellement car, il faudrait pour les fiscaliser contrôler les capitaux ce qui est interdit dans le cadre actuel de l'Union Européenne.

C'est pourquoi aujourd'hui face à une crise économique de la surproduction et l'hyperconsommation, évoquant la fin d'un cycle, la différence entre les dépenses et les entrées vont malheureusement croître, et la question de l'équilibre financier va forcément se poser. Si cette crise perdure, notamment à cause des décisions autoritaires qui s'abattent sur notre pays, les conditions de la confiance ne sont absolument pas réunies. 
 
On peut couvrir les déficits d'entrées fiscales une année par des emprunts sous le prétexte de la relance économique, mais on ne peut pas le faire tous les ans, d'autant plus que les dirigeants tablent sur un retour hypothétique de la croissance en 2021, ce qui reviendrait à pouvoir relancer une machine qui est déjà malade à plein régime. Cette impossibilité nous condamne à devoir faire face à la réalité de la situation qui risque bien de s'imposer à nous malgré nous.
 
Et c'est comme ceci, qu'un géant peut avoir des pieds d'argile, être à la vieille de cessations de paiement partiels, et si tout s'accélère comme une spirale plus générale, touchant alors l'ensemble d'un pays dont le filet de sécurité craquerait.
 
C'est pourquoi, il est venu le temps de séparer la logique d'affiliation générale et universelle de la logique de financement particulière et appelle à diversifier les sources de financement pour atteindre dans l'absolu le captage d'une ponction sur les flux financiers.   

Sans quoi, les pieds d'argile pourrait bien s'effriter. 

Xavier Pérez
Dr. en droit
Dr. en sc. de l'éducation


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