lundi 30 mai 2022

Nous entrons dans une économie de "pénuries aléatoires"

Nous entrons dans une économie de « pénuries aléatoires », c'est-à-dire que notre système économique connaît des pénuries de biens alimentaires, de matières premières, de produits industriels, manufacturés, voire de services et de mains d’œuvre d'une façon aléatoire, qui peut apparaître « n'importe où », sans ordre de grandeur ni en importance, ni dans le temps, de façon non-absolue et qui touchent tous ces domaines sans forcément de signes préalables, qui peut donc être soudain pour le grand public, et dont le phénomène est plus subit qu'anticipé. Ce phénomène sans aucun doute appellerait une étude pour le comprendre à laquelle je suis prêt de m'associer pour la conduire, mais aucune institution n'a visiblement pour l'instant pris la mesure du phénomène et de son impact sur les logiques économiques.

Pour ma part, j'écris ce petit billet dans le cadre de ma spécialité de l'économie des ressources naturelles et de l'environnement, car il est certain qu'une économie de « pénuries aléatoires » a des conséquences sur le mode de fonctionnement de notre société.

Je peux en évoquer brièvement quelques uns. La première est que dans la mesure où nous ne connaissons pas le produit ou le service qui sera touché par la pénurie, tous les produits et tous les services sont susceptibles d'être le prochain sur la liste. Nous entrons donc dans une phase d'incertitude.

Cette incertitude est d'autant plus redoutée car elle peut être l'occasion de retard dans la mise en place de projet, et donc de pertes financières certaines.

La « pénurie aléatoire » indique aussi qu'elle n'est que rarement totale. Ce phénomène a une conséquence importance car il signifie que les acteurs économiques vont essayer de trouver le bien ou le service manquant avant d'en imaginer une substitution. La pénurie entraîne donc que l'acheteur sera soumis au vendeur. Ce dernier n'a plus d'effort pour aller chercher le client qui lui prendra de toutes les façons le produit manquant dès sa réception.

Ce mécanisme est un véritable frein à l'innovation. Les économies de « pénuries aléatoires » sont souvent dans l'histoire des économies où l'innovation est faible, et la recherche de nouveaux marchés peu dynamiques.

Cet état de fait entraîne la sphère politique à centraliser les décisions, à vouloir mettre en place des systèmes de planification alors que ces mécanismes ont pour premières conséquences d'entretenir la pénurie, nous entrons donc dans une économie de la subvention, de la hiérarchie administrative. Plus nous voudrons contrôler et plus le phénomène de la pénurie perdurera car nous ne laisserons pas les populations développer et imaginer de nouvelles formes économiques, et donc de nouveau choix de développement et orientations sociétales.

Souvent le phénomène de pénurie est lié directement au mode de société que nous organisons, c'est souvent un appel à changer nos concepts et notre façon de faire. Se demander où est l'essentiel et l'objectif de notre avancer dans le temps.

Je ne peux que souhaiter que quelque part une institution comprendra l'importance d'une telle étude sans quoi nous continuerons à subir au lieu d'imaginer des solutions. 

 

vendredi 20 mai 2022

Pénurie et ressources humaines, le symbole de la paupérisation d'une société ?

Disons les choses simplement : la pénurie ne concerne pas que l'essence et les matières premières, tous les secteurs peuvent faire l'objet de pénurie, et cette dernière peut- être en effet réelle, voulue, subite ou fantasmée, mais dans tous les cas, elle nous apprend beaucoup sur l'état de notre société d'une façon brute.

L'un des secteurs touché par les pénuries sont les ressources humaines, chose d'autant plus étrange que nous sommes des sociétés productrices de chômage, alors comment s'y reconnaître ? D'un côté nous pouvons lire un peu partout qu'il manque du personnel dans les métiers en tension et de l'autre nous ne comptons plus le nombre incessant de personnes au chômage que l'on refuse à l'emploi. Cette situation a de quoi surprendre d'autant plus que lorsqu'un chômeur se présente à l'un de ses emplois, il a souvent un « défaut » qui justifie le fait que l'on ne l'embauche pas, y aurait-il une forme d’hypocrisie dans ce système ou y-a-t-il une véritable incompatibilité entre les offres et les demandes ?

Le fait qui semble indubitable est qu'il y a forcément quelque chose qui ne va pas autant dans notre façon d'aborder la question des pénuries de ressources humaines que la façon de les solutionner. Loin de moi l'envie de donner une solution dans cet article, juste l'idée de dire que « nous avons peut-être tout faux » et qu'il serait bien de se le dire car, quand vous abordez la question avec les « spécialistes », nous avons l'impression qu'ils ont la solution à tout et que le système a tout prévu, mais la preuve que « non » puisque tout s'empire.

En plus, cette situation est expliquée secteur par secteur, nous laissant le sentiment que ce phénomène est conjoncturel, alors en s'implantant dans la durée, il devient forcément structurel et révèle au contraire des faiblesses, voire des incapacités, du système.

Le cas des urgences hospitalières est véritablement le symbole d'un pays qui s'appauvrit devant nos yeux sans que personne ne réagisse d'autant plus que dans cette situation là il y a aussi la question de la rupture des savoirs.

En effet, dans les travaux à haute connaissance, ce n'est pas simplement un emploi qui n'est pas occupé, c'est un agent possédant un savoir qui est absent et qui ne fait plus le lien de la connaissance, le passage au suivant qui un jour devra prendre sa place. Ces ruptures sont d'autant plus graves que rien aujourd'hui ne les compense. Dans un premier temps, elles ne touchent que les usagers immédiats, mais se diffusent lentement jusqu'à concerner l'ensemble des classes sociales.

Le cas des urgences cache bien d'autres problèmes puisque nous parlons de services où de par l'obligation vaccinale une partie du personnel a été écarté, partie qui fait défaut aujourd’hui, mais aussi a découragé bien des jeunes à vouloir s'engager dans cette voie.

Il y a donc un double déficit : lié à l'état présent, et à l'état futur ; à ceci il faudrait ajouter ceux aussi qui fuient un système devenu de plus en plus lourd et pesant à mesure que la masse de travail va devenir importante par personne restante, une spirale c'est donc mise en route et rien dans l'immédiat semble pouvoir l'arrêter.

Cette « mésembauche » de personnels a de quoi surprendre vue les causes, est-elle le symbole d'un secteur en difficulté ou d'un secteur qui organise sa réduction de moyen volontairement ? Y-a-t-il une stratégie de faire autant avec moins par manque de moyens financiers ? Car, toutes ces questions ne sont que très rarement posées, nous faisons comme si nous possédions une infinité de moyens, mais est-ce le cas ? Puisque si cet aspect se révélait juste, alors le manque de ressources humaines, serait bien avant tout le symbole d'une société qui ne peut plus payer autant qu'avant, une société qui s'appauvrit.

Alors, je sais que ce sont des questions qui font mal, surtout pour nous qui avons eu l'habitude de l'économie d'abondance, mais ce que nous apprend l'histoire est que lorsque des plans de gestion et de planification des ressources sont mit en place, c'est que nous commençons à entrer dans des économies de pénuries. Il serait donc urgent de se poser la question si nous avons vraiment les solutions pour y faire face ?

Nous ne le dirons jamais assez, dans cette situation seule la souplesse et l'adaptabilité seront salvatrices, ceci demandera de quitter un pouvoir vertical et de réglementations qui empêchent les agents de terrain de répondre à la situation.