mardi 12 septembre 2023

Une mobilité en berne, est-ce si grave ?

Depuis au moins les années 90, la mobilité sociale de la France est plus ou moins égale à zéro.Dit comme cela, on ne comprend pas bien ce que cette affirmation implique. En d'autres termes, cette affirmation signifie que la chance que vos enfants changent de catégories sociales en progression vers une meilleur situation que vous est presque impossible.

Nous pouvons même dire que dans le meilleur des cas, ils resteront à votre niveau, mais de façon de plus en plus courante ils régresseront qu'ils fassent des études ou qu'ils n'en fassent pas. C'est d'ailleurs ce qui est notable, l'impacte de l'école dans la mobilité sociale actuellement en France est elle aussi en berne, nous pourrions même dire l'inverse, elle participe au blocage.

Bien, mais dans la réalité nous notons néanmoins de petits mouvements sur plusieurs générations, car s'il est vrai que nous avons quasi aucune chance de dépasser le niveau social de nos parents, il existe un phénomène générationnel.

Par exemple, le grand-père ouvrier qui avait commencé à faire des études, le père qui avait passé les concours sans conviction ou sans réussite, et le fils qui va les réussir. La mobilité sociale aura mis ici trois générations, donc nous pouvons parler de frémissement social.

Et puis, les métiers ont profondément changé depuis les fortes délocalisations d'usines. Il faut donc aujourd'hui encore redessiner les contours sociaux. Mais, rien y fait. Rien ne bouge plus.

Je peux donner cet exemple d'un fils d'ouvrier en bâtiment qui fonda une entreprise dont le potentiel économique aurait pu être intéressant, mais qui ne la développera jamais en PME et va demeurer au niveau artisanal.

Nous pourrions dire que finalement ce n'est pas si mal la « reproduction sociale », même si elle a une tare de taille, c'est ce que nous appelons « l'endogamie sociale », ce sont les catégories ou groupes qui se reproduisent entre eux sans rien faire venir de nouveau de l'extérieur.

La plupart d'entre vous avait abordé le sujet à l'école lorsque qu'on vous a parlé de la « noblesse » lors de la Révolution Français. Là, c'est à peu de chose près la même chose, mais pour l'ensemble de la société.

C'est un monde qui ne se mélange plus, qui n'échange plus, qui ne se parle plus, qui est en panne et dont la première conséquence est la « pénurie » dans le personnel.

Ceci se voit bien dans le milieu enseignant, malgré le manque de personnel, ils sont incapables d'intégrer d'autres profils diplômés issus de d'autres catégories sociales ou de d'autres cultures. Cette fermeture est patente et se concentre autour de la question des concours devenue le symbole de l'immobilité sociale.

Nous comprenons bien que c'est l'architecture dans son ensemble qui se fige et qu'il faudra bien plus qu'une réforme sur l’orientation ou l'école pour sortir de cette immobilité. 

 

 


mardi 15 août 2023

Mythologie économique - des discours à l’origine des principes directeurs de notre société


Je souhaitais mettre en ligne ce passage où je discute de la mythologie dans nos sociétés actuelles et l'importance qu'elle occupe. 

Extrait de mon ouvrage "Préliminaires d'une métamorphose" :

 

Télécharger Préliminaires d'une métamorphose 

 

"Sujet de prédilection de l’anthropologie, les mythes peuvent se définir en premier comme des histoires fantastiques qui fondent le monde. Ils peuvent se penser en eux-mêmes, comme l’avait démontré Claude Lévi-Strauss, et aussi se penser en l’homme.

Comme une musique1, ils ont plusieurs niveaux de lecture :

  1. en suivant leur déroulé, les évènements de leur histoire (diachronie)

  2. ou alors comparant les éléments entre eux (synchronie).

Roland Barthe a démontré qu’il était aussi possible d’appliquer l’étude des mythes à un objet et à notre époque qui se définissait comme « moderne »2.

Riche de ces différentes approches, il me semble raisonnable d’écrire que les mythes sont des histoires, des discours sur des objets ou des axiomes autour desquels prolifère un récit fondateur et incritiquable, et sur lequel se crée une organisation sociale, économique et politique.

Il y a un côté fondateur important aux mythes que nous allons largement retrouver dans l’analyse qui suit, d’où la nécessité de nous arrêter sur cet aspect.

Le récit véhicule une idée souvent simple qui va donner une forme de légitimité spirituelle à l’organisation sociale qui se met en place.

Comme le récit est au fondement de notre monde, il en devient de fait incritiquable puisque toute remise en cause est une atteinte portée à nos fondements. Ces derniers ont de fait une valeur morale et spirituelle.

Nous pouvons en effet étudier le récit des mythes, mais ce ne sera pas leur analyse qui les fera tomber, même si leur logique est en contradiction avec notre monde.

Dans la mesure où il fonde une société, seul un discours qui introduirait une nouvelle histoire fondatrice pourrait remplacer le mythe.

Ce n’est donc pas par la conscience que passe la critique d’un mythe fondateur et de la logique qui en naît, mais par le sensible et la création collective d’un nouveau mythe.

Sans nous attarder sur la question de la conscience, vous remarquerez comment le fait d’éclairer des populations sur certains dangers ne modifie pas leurs comportements. C’est parce qu’il y a une « insuffisance de la conscience » qui ne permet pas de passer à l’action.

La « conscience » est un concept très récent né avec la modernité qui entend qu’une chose soit connue et ressentie pour nous pousser à l’action.

Cette façon de voir est loin du mythe puisque, comme il a été dit, le mythe peut se penser en lui-même, en nous et malgré nous. Il y a donc de fait une dissociation entre action et conscience en ce qui concerne les mythes.

Sauf, et c’est ce qu’il est maintenu dans cet ouvrage, ce sont bien les mythes, c’est-à-dire des discours sur notre fondation qui sont à l’origine des principes directeurs de notre société."

 

1 Lévi-Strauss Claude, « La structure des mythes », pp. 235-265, in Lévi-Strauss Claude, Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958 et 1974 ; et les quatre volumes de Lévi-Strauss Claude, Les Mythologiques, Plon, Paris, 1964, 1966, 1968 et 1971.

2 Barthes Roland, Mythologies, Essais, éd. Seuil, Paris, 1970.

 

lundi 14 août 2023

Vidéo - Clap de fin

Tout a commencé avec ce tableau, je l'avais dessiné sur une commode pour enfant. Cette dernière devait être jetée, j'ai donc refait le dessin sur un tableau. De là j'ai repris le dessin, et j'ai ouvert une chaine YouTube. 

Je me suis dis alors que je pouvais aussi discuter de mes recherches en sciences sociales et en anthropologie comme les résultats s'écartent des analyses médiatiques, une autre façon d'aborder notre monde. 

Je souhaite remercier toutes les personnes qui m'ont suivi et qui pourront continuer de le faire à travers les dessins, les histoires et les textes que je continuerai certainement à rédiger. 

Mais, je fais une pose sur les vidéos dans la mesure où j'avais l'impression de consacrer du temps dans le vide. Ce vide se concrétisait aussi dans le mode de diffusion qui ne laisse qu'à un seul algorithme d'un gros réseau décider du devenir d'une vidéo. Tout le monde s'y soumet avec des "links", des "vues" qui finalement changent notre comportement, même quand on ne le veut pas. 

Et puis, ayant fait ces vidéos pour permettre une accession à une certaine forme de connaissance, l'essentiel a été dit et fait.

Je veux redécouvrir les sensations d'avant Internet, quand on imaginait la diffusion de nos savoirs différemment, plus directement, valorisant l'écrit ou l'oral.

Revenir au texte, à la preuve, à la réalité, ne pas se perdre en conjoncture ou dans les discussions sans fins médiatiques. Tout est fait pour brouiller notre esprit à des fins commerciales, y compris l'actualité de votre smartphone, fait pour vous. 

Un jour, je parlais de l'ouvrage de David Graeber sur les "Bullshit Jobs" que j'étais en train de relire pour la seconde fois, et tenez-vous bien, YouTube m'a proposé le reportage d'Arté publié il y a plus de 7 mois sur le sujet, comment est-ce possible? Je n'avais rien tapé sur Internet concernant ce livre que je possédais déjà.

C'est pour ce fait qu'une pose s'impose. Ceux qui veulent continuer à suivre mes quelques analyses, seront disponibles à l'écrit.

Ne trouvant pas d'éditeur, mon prochain texte risque lui aussi d'être disponible à ce rythme prochainement au téléchargement.

Merci à tous

 

mardi 1 août 2023

Étude de la preuve – une spécialité qui mériterait toute notre attention

Naturellement, il est courant de rattacher « l'étude de la preuve » au droit alors même que toutes les disciplines y sont confrontées, et c'est d'ailleurs sur elle, vérifiable ou construite, que l'on bâtit souvent son argumentation et son discours. 
 
Il y a d'ailleurs eu un mouvement en sciences pour remettre la preuve au cœur de l'analyse scientifique, preuves, qui a de nombreuses reprises, viennent contredire la pensée couramment admise. 
 
Souvent, comme des poussières, on aime mettre la preuve sous le tapis, mais elle est là et devient de plus en plus évidente, jusqu'à s'imposer.

En droit, elle demande de trouver des éléments qui alimentent notre défense, qui prouve que ce que nous disons est la « vérité ». Il y a avec l'étude de la preuve une nécessaire recherche de la vérité, ou plus exactement d'une « vérité présentable », ce qu'on appelle aussi la "vraisemblance".

Cette dernière notion beaucoup plus discutable note qu'une preuve, même matérielle, même placée devant nos yeux, est dès fois insuffisante car elle vient contredire des statuts juridiques, des coutumes, des habitudes de pensée, que sais-je, et pourra donc être réinterprétée.

Quelle est la place de l'interprétation dans l'exploitation d'une preuve ? Ne dit-on pas qu'il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ? Apprendre l'étude de la preuve n'a rien d'intuitif, elle demande une attitude, un savoir, des compétences pour traiter ou aller chercher ces documents (tant matériel qu'immatériel) qui vont développé notre discours ; et puis surtout connaître l'objectif, que souhaitons-nous faire de la preuve car, la question reste bien actuelle, toute vérité est-elle bonne à dire ?

De l'argumentation

Brièvement, comme nous venons de le voir ci-dessus, l'argumentation se construit avec la découverte des preuves, et pas l'inverse. Il est très fréquent de voir des discours existants qui cherchent des argumentations pour justifier leur existence, qui « torde le coup » à la réalité. 

Nous devons dans cet ordre d'idée nous méfier forcément de l'argument d'autorité, du document officiel qui de son officialité tire sa véracité, de la parole d'un supérieur, d'une autorité reconnue. Il est important de savoir que toutes les sources doivent pouvoir être recoupées, vérifiées et rentrer dans le jeu du contradictoire, c'est pourquoi, l'argumentation dans l'étude de la preuve peut vite se révéler un piège si nous n'apprenons pas à remettre les éléments en ordre et surtout ne porter aucun jugement.

De la justification

C'est pour justifier notre discours, notre stratégie, notre démarche que nous cherchons des preuves. Souvent, d'ailleurs, ces preuves ne sont pas vues comme telles, et quand nous les accumulons nous pensons forcément avoir raison, sauf que la preuve peut avoir plusieurs natures, et suivant les contextes, la nature, la procédure, elles ne se valent pas toutes de la même façon. 

Certaines justifications, mêmes insignifiantes, concernant la procédure peuvent se révéler déterminantes. Mais, la justification, même exagérée, même grossière, est un passage presque obligatoire, elle est en règle générale la base de mon action, ma raison d'agir.

De la documentation

La recherche de la documentation est primordiale dans la mesure où nous sommes dans une société de l'écrit, et d'ailleurs même les procédures orales ont tendance à devenir écrites. L’ascendance des logiciels et de l'informatique y aide beaucoup. Cette mutation a profondément changé notre rapport au document, même un témoignage doit être retranscrit à l'écrit, c'est vrai en droit, mais aussi en sciences sociales. Cette mise à l'écrit est comme son marquage dans le temps, son témoignage et donc sa véracité. 

La recherche documentaire n'a jamais été chose aisée et elle est très énergivore, elle peut aussi demander un certain nombre d'autorisation. Tout n'est donc pas permis. 

Il y a le culte du document secret et que personne n'a lu, et dès fois que personne ne lira jamais. Cette recherche demande beaucoup d'organisation et de précision, savoir aussi être curieux.

De la logique

Dernier point que j'aborderai ici sur mon blog de façon succincte est celui de la logique car il est le plus « traître », il faut s'en méfier. Tout peut paraître « vrai », « allant de soi », « le discours s'agence bien », « l'argument tient la route », « c'est officiel » ou « dès fois cela remet en cause de façon éclairante la version officielle ».....or tout est faux. 

La logique est un des aspects de « l'étude de la preuve » le plus compliqué à gérer. J'en arrive même à me dire aujourd'hui que seule l'expérience arrive à l’éclaircir. 

Je sais « l'expérience », ce n'est pas très rationnel, mais c'est à force de recherches, de lectures, de confrontations d'arguments, de remises en cause qu'un moment nous sommes capables de dire que cette « logique », pourtant « très logique », n'a que très peu de chance de « prospérer », qu'il y a « plus de verbiage que de logique ». Oui, de « verbiage », vous remarquerait que souvent les logiques qui n'en sont pas ont une tendance à produire du « verbe », c'est-à-dire de la « parole », « des exemples simplistes » … et ça a tous les niveaux.

Pour Conclure

Voilà, en quelques mots si je voulais présenter la spécialité de « l'étude de la preuve », elle est autant une activité de recherche suivant les sujets et les thématiques, qu'une activité d'éclaircissement, de classification et de comparaison. Elle ne nous est pas innée, elle s'apprend et se pratique. 

 

 

lundi 31 juillet 2023

Maître Julien l'Hippopotame « un personnage aux potentiels multiples »

J'ai créé Maître Julien l’Hippopotame au cours de mes études de droits et notamment lors de mon passage en cabinet d'avocat, j'étais alors animé par l'image de l'avocat du XIXe plaidant et pouvant s'élever contre toutes formes d'injustice.

L'image de Léon Gambetta m'animait profondément car pour moi, à l'époque, l'avocat était celui qui parle, qui défend qui protège.... bien loin il est vrai de ce qu'est la profession aujourd'hui, et c'est ce décalage qui donne tout son charme à cet hippopotame, il permet ainsi d'aborder tous les sujets sensibles sans trop de graviter, y apporter une autre vision qui pousse à la défense, à la probité et la grandeur d'âme.

Qu'il prenne la parole pour une victime ou un accusé, c'est toujours l'occasion pour lui de nous parler à nous directement. 

Les histoires, tantôt sérieuses, tantôt loufoques, sont toujours l'occasion de mettre en avant les talents de Maître Julien l'Hippopotame.


Mon regret est qu'il n'ait pas trouver un moyen d'être diffusé à plus grande échelle car son potentiel est multiple.

J'ai toujours pensé, à tort peut-être, qu'il aurait pu être utile à des "causes" sociales ou humanitaires, pour diffuser des messages sans se renier lui-même dans le sens où il diffuse déjà des messages.

L'humour y est aussi très présent quand je le tourne bien évidemment en dérision ou quand lui aussi dans un style feutré se moque de son adversaire, tourne cette fois en dérision l'argument de son opposé.

Mais, au fil des histoires, nous nous apercevons que les oppositions n'en sont pas réellement, que bien des adversaires viendront le chercher pour être défendu, rendant un monde complexe où rien n'est tout blanc ou tout noir, chacun vivant avec ses fantômes et ses turpitudes.

Il y a donc un côté bon enfant...dont j'espère un jour pouvoir le diffuser à un plus grand nombre. 


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vendredi 28 juillet 2023

Préliminaires d'une métamorphose

 


J'ai voulu écrire cet ouvrage pour illustrer ma thématique sur "les trajectoires collectives" et la possibilité collectivement de les maîtriser et pour démontrer comment nous vivons un moment charnière du passage d'une mythologie fondatrice à une autre. Comme je dis un "mythe ne se critique pas, il se remplace"...
 
Voilà mon ouvrage "Préliminaire d'une métamorphose" pour lequel je cherchais un éditeur 
 

Télécharger Préliminaire d'une métamorphose

 

Présentation : 

<< La principale caractéristique de notre civilisation est le fait de posséder le même « bien » pour définir et déterminer la richesse et permettre l’échange des choses élémentaires dont une personne ou un groupe a besoin pour vivre. L’économie occidentale capitaliste a donné naissance, à partir de cette confusion, à une mythologie, c’est-à-dire des histoires (ou des maximes) sur lesquelles nous organisons notre société. Sauf, que ces mythes fondateurs de l’économie occidentale capitaliste rencontrent aujourd’hui la limite matérielle de notre Monde à un point tel que tout ralentissement ou toute récession pourrait entamer les revenus de millions de personnes. Dans cet ordre d’idée, ce n’est plus tant la question de l’influence ou pas de la monnaie sur la réalité qui serait d’actualité, mais bien l’inverse celle de l’influence de la réalité matérielle sur la monnaie, et donc l’équilibre générale de nos économies. « Il est donc nécessaire de se demander s’il est possible d’imaginer un système où la production de richesses et la distribution d’un « bien d’échange » soient disjoints pour l’acquisition des choses élémentaires >>

 

 

<< Télécharger l'ouvrage entier >>

<< Voir article sur la mythologie économique>>

La paix n'est-elle qu'une illusion ?

Il existe des écoles supérieures de guerre, des écoles de guerre économique, il existe des institutions pour apprendre ce que nous appelons, peut-être improprement, « l 'art de la guerre », et dans ces objectifs se sont des milliards qui y sont consacrés, mais existe-t-il une école de la paix ?

La raison en est malheureusement très simple, c'est que les puissances étatiques sont nées de la guerre, c'est d'elles qu'ils justifient leur autorité, mais leur naissance doit-elle pour autant conditionner leur devenir, leur projection dans leur futur ? Ce n'est pas parce que nous serions nés de parents violents que nous devrions être violent. Qu'est-ce qui pousse les puissances étatiques à vouloir poursuivre leur origine ?

Oui, je sais lorsque nous traitons de la paix, il y a beaucoup de questions et très peu de réponses, parce que les réponses devraient être écrits par ceux-la mêmes qui s'efforcent à vouloir faire la guerre ou se préparer à la guerre, c'est la même chose.

Car, vouloir la paix demande déjà de faire des actes de paix et donc par conséquent de développer une économie de paix, c'est-à-dire une économie qui laisse la possibilité aux habitants d'exploiter leur territoire, d'y faire le commerce et de le façonner à leur image.

La paix appelle à un monde décentré qui lutterait contre toute forme de centralisme ou de concentration de pouvoir.

La paix appelle à créer un espace où le mot "avenir" aura à nouveau du sens.

Alors la paix est-elle une illusion ? Si elle reste un discours, certainement; s'il est décidé, par contre, de développer des actes de paix et une économie de paix, le possible deviendra alors une réalité. 

 

lundi 17 juillet 2023

Le paradoxe de la paupérisation

C'est peut-être la un fait paradoxal mais le cycle de paupérisation que commence à connaître la France va entraîner autant la perte de richesse d'une partie importante de la population que l'enrichissement et la concentration du capital dans une petite partie de cette même population.

Il y a d'abord une illusion : celle du salaire.

Il est vrai que tant que nous touchons notre salaire pour ceux qui ont un emploi, nous avons l'impression que tout va bien, que l'économie se porte bien.

Il faut pourtant dépasser cette première vue car dans tous les pays, comme la Grèce, qui ont eu de fortes difficultés financières jusqu'au déclenchement de la crise, du clash, les salariés et fonctionnaires recevaient leurs salaires.

Plusieurs indices devraient nous alerter.

D'abord, que la sphère publique a de moins en moins de capacité financière. Le premier indice est les retards de paiement, voire même dans certains cas les impayés, des prestations des entreprises et artisans à l'espace public (État comme collectivité territoriale).

A chaque fois est plaidé l'erreur technique, la faute du logiciel informatique, sans remettre en cause leur explication, ces faits ont tendance à se multiplier à un point tel qu'ils découragent bien des artisans à travailler pour la sphère publique.

L'autre fait qui devrait nous alerter, ce sont les multiples appels à faire des économies par l’État et notamment via les décisions gouvernementales, mais aussi les rapports soit de la cours des comptes qui les demandent, les instances européennes qui le souhaitent ou même le défenseur des droits qui les constatent.

Dernier phénomène qui devrait nous alerter est le fait que les populations en difficulté qui réclament leurs droits sont pointés du doigt. Nous parlons pourtant de « droits » et pourtant le fait de recevoir ses droits est de plus en plus dénoncé et décrit comme une « anomalie », émettant un sentiment de « honte » à demander ses droits. Ce phénomène est un indicateur profond du début d'un cycle de paupérisation.

Je sais, il est difficile de croire que la France entre dans un cycle accéléré de paupérisation qui entraîne forcément ses paradoxes : celui que l'argent circule de plus en plus mal entre les différentes sphères de la société. Le « Bien d'échange » (argent) indispensable pour accéder à un logement, à alimentation, à la santé se fait de plus en plus rare pour une partie significative de la population, y compris travailleuse.

Il faudra sans nul doute avouer que la France n'a plus les moyens de sa politique si nous voulons nous donner une change de faire en sorte que chacun est un revenu, appelant forcément à une profonde réforme de notre économie ...

Voir Aussi :

 


dimanche 9 juillet 2023

Quand Bernanos écrivait sur la relation entre "l'ordre" et "la liberté"....


C'est dans son texte "La France contre les robots" (1944) que provient cet extrait, issu du chapitre II, Georges Bernanos y évoque la progression de l'idée "d'ordre" sur celle de la "liberté". Dans cet ouvrages, il n'hésite pas à déstabiliser les logiques couramment admises, il y confronte la "démocratie" face à la "liberté", la "Patrie" face à "l’État", une justesse des "privilèges" pour protéger "l'égalité"... paradoxe et origine de notre liberté trop vite oublié, qui nous fait perdre le sens des valeurs et la raison de vivre... 

le sens de l'engagement : 

"Oui, cher lecteur, je crains que vous ne vous imaginiez pas la Liberté comme de grandes orgues, qu’elle ne soit déjà pour vous qu’un mot grandiose, tel que ceux de Vie, de Mort, de Morale, ce palais désert où vous n’entrez que par hasard, et dont vous sortez bien vite, parce qu’il retentit de vos pas solitaires. Lorsqu’on prononce devant vous le mot d’ordre, vous savez tout de suite ce que c’est, vous vous représentez un contrôleur, un policier, une file de gens auxquels le règlement impose de se tenir bien sagement les uns derrière les autres, en attendant que le même règlement les entasse pêle-mêle cinq minutes plus tard dans un restaurant à la cuisine assassine, dans un vieil autobus sans vitres ou dans un wagon sale et puant. Si vous êtes sincère, vous avouerez peut-être même que le mot de liberté vous suggère vaguement l’idée du désordre – la cohue, la bagarre, les prix montant d’heure en heure chez l’épicier, le boucher, le cultivateur stockant son maïs, les tonnes de poissons jetées à la mer pour maintenir les prix. Ou peut-être ne vous suggérerait-il rien du tout, qu’un vide à remplir – comme celui, par exemple, de l’espace… Tel est le résultat de la propagande incessante faite depuis tant d’années par tout ce qui dans le monde se trouve intéressé à la formation en série d’une humanité docile, de plus en plus docile, à mesure que l’organisation économique, les concurrences et les guerres exigent une réglementation plus minutieuse. Ce que vos ancêtres appelaient des libertés, vous l’appelez déjà des désordres, des fantaisies. « Pas de fantaisies ! disent les gens d’affaires et les fonctionnaires également soucieux d’aller vite, le règlement est le règlement, nous n’avons pas de temps à perdre pour des originaux qui prétendent ne pas faire comme tout le monde… » Cela va vite, en effet, cher lecteur, cela va très vite. J’ai vécu à une époque où la formalité du passeport semblait abolie à jamais. N’importe quel honnête homme, pour se rendre d’Europe en Amérique, n’avait que la peine d’aller payer son passage à la Compagnie transatlantique. Il pouvait faire le tour du monde avec une simple carte de visite dans son portefeuille. Les philosophes du XVIIIe siècle protestaient avec indignation contre l’impôt sur le sel – la gabelle – qui leur paraissait immoral, le sel étant un don de la Nature au genre humain. Il y a vingt ans, le petit bourgeois français refusait de laisser prendre ses empreintes digitales, formalité jusqu’alors réservée aux forçats. Oh ! oui, je sais, vous vous dites que ce sont là des bagatelles. Mais en protestant contre ces bagatelles le petit bourgeois engageait sans le savoir un héritage immense, toute une civilisation dont l’évanouissement progressif a passé presque inaperçu, parce que l’État Moderne, le Moloch Technique, en posant solidement les bases de sa future tyrannie, restait fidèle à l’ancien vocabulaire libéral, couvrait ou justifiait du vocabulaire libéral ses innombrables usurpations. Au petit bourgeois français refusant de laisser prendre ses empreintes digitales, l’intellectuel de profession, le parasite intellectuel, toujours complice du pouvoir, même quand il paraît le combattre, ripostait avec dédain que ce préjugé contre la Science risquait de mettre obstacle à une admirable réforme des méthodes d’identification, qu’on ne pouvait sacrifier le Progrès à la crainte ridicule de se salir les doigts. Erreur profonde ! Ce n’était pas ses doigts que le petit bourgeois français, l’immortel La Brige de Courteline, craignait de salir, c’était sa dignité, c’était son âme. Oh ! peut-être ne s’en doutait-il pas, ou ne s’en doutait-il qu’à demi, peut-être sa révolte était-elle beaucoup moins celle de la prévoyance que celle de l’instinct. N’importe ! On avait beau lui dire : « Que risquez-vous ? Que vous importe d’être instantanément reconnu, grâce au moyen le plus simple et le plus infaillible ? Le criminel seul trouve avantage à se cacher… » Il reconnaissait bien que le raisonnement n’était pas sans valeur, mais il ne se sentait pas convaincu. En ce temps-là, le procédé de M. Bertillon n’était en effet redoutable qu’au criminel, et il en est de même encore maintenant. C’est le mot de criminel dont le sens s’est prodigieusement élargi, jusqu’à désigner tout citoyen peu favorable au Régime, au Système, au Parti, ou à l’homme qui les incarne. Le petit bourgeois français n’avait certainement pas assez d’imagination pour se représenter un monde comme le nôtre si différent du sien, un monde où à chaque carrefour la Police d’État guetterait les suspects, filtrerait les passants, ferait du moindre portier d’hôtel, responsable de ses fiches, son auxiliaire bénévole et public. Mais tout en se félicitant de voir la Justice tirer parti, contre les récidivistes, de la nouvelle méthode, il pressentait qu’une arme si perfectionnée, aux mains de l’État, ne resterait pas longtemps inoffensive pour les simples citoyens. C’était sa dignité qu’il croyait seulement défendre, et il défendait avec elle nos sécurités et nos vies. Depuis vingt ans, combien de millions d’hommes, en Russie, en Italie, en Allemagne, en Espagne, ont été ainsi, grâce aux empreintes digitales, mis dans l’impossibilité non pas seulement de nuire aux Tyrans, mais de s’en cacher ou de les fuir ? Et ce système ingénieux a encore détruit quelque chose de plus précieux que des millions de vies humaines. L’idée qu’un citoyen, qui n’a jamais eu affaire à la Justice de son pays, devrait rester parfaitement libre de dissimuler son identité à qui il lui plaît, pour des motifs dont il est seul juge, ou simplement pour son plaisir, que toute indiscrétion d’un policier sur ce chapitre ne saurait être tolérée sans les raisons les plus graves, cette idée ne vient plus à l’esprit de personne. Le jour n’est pas loin peut-être où il nous semblera aussi naturel de laisser notre clef dans la serrure, afin que la police puisse entrer chez nous nuit et jour, que d’ouvrir notre portefeuille à toute réquisition. Et lorsque l’État jugera plus pratique, afin d’épargner le temps de ses innombrables contrôleurs, de nous imposer une marque extérieure, pourquoi hésiterions-nous à nous laisser marquer au fer, à la joue ou à la fesse, comme le bétail ? L’épuration des Mal-Pensants, si chère aux régimes totalitaires, en serait grandement facilitée."

 

Sur un sujet proche, mes vidéos sur la dématérialisation :