mercredi 27 avril 2022

Pourquoi les économistes ont des difficultés à aborder la question de la pénurie ?

D'abord, à me répéter, la pénurie ne concerne pas seulement l'énergie et l'alimentation. Il est vrai que lorsque couramment nous entendons parler de pénurie, immédiatement ce sont ces deux sujets qui apparaissent, mais c'est une erreur couramment commise.

La pénurie est un concept multiforme et complexe qui s'applique à des situations très différentes et qui induit surtout des comportements d'anticipation.

L'idée couramment admise est que nous vivons dans une société d'abondance, alors l'idée même que nous pourrions vivre à nouveau des pénuries est une peur en arrière fond de notre société, ce serait véritablement un retour en arrière.

Rien que l'évocation de ce thème fait fuir les économistes. Ils répondent tous en cœur « mais non ce n'est pas possible, il n'y a pas lieu de s'inquiéter ».

Parler des pénuries n'a pas pour vocation de nous inquiéter car, comme nous l'avons écrit et dit, la pénurie n'est que très rarement totale, elle est le plus souvent partielle et momentanée, nous devrions d'ailleurs dans de nombreuses situations plutôt parler de manque.

Concept multiforme car il touche tous les domaines matériels de fait, de services, de mains d’œuvre et même d'argent y compris dans sa quantité que dans sa circulation.

Nous l'avons encore vu sa puissance avec l'histoire du gaz russe où les européens costauds, bombant le torse, ont du au final accepter la nouvelle exigence de payer en rouble par peur de ne plus pouvoir accéder à cette énergie et paralyser tout leur système productif.

Sur un autre sujet, nous avons vu comment rien que l'idée ou la rumeur qui manquera de l'huile alimentaire a amené les consommateurs à faire des stocks et créer une pénurie d'huile alimentaire dans les grandes surfaces. Ce qui est notable aussi est que ce manque a surtout touché l'huile bon marché et donc les circuits longs ; la pénurie s'observe moins, voire pas du tout, dans les circuits courts ou hauts de gamme. Ceci nous informe aussi sur la couche sociale qui est touchée par ces phénomènes.

La pénurie ne triche pas, ne ment pas, et s'impose à nous s'en ménagement, même quand elle est seulement imaginée ou redoutée ; là est sa force, c'est le retour à la réalité.

Car, la pénurie parle des dépendances, des fragilités d'un système, des vrais rapports de forces, nous ne pouvons plus tricher avec ce sujet. Elle remet même en cause la théorie de la croissance verte, des nouvelles technologies et du monde virtuel quand nous comprenons que plus de 3 milliards de personnes dans le monde n'ont pas accès à l'électricité d'une façon continue.

C'est certainement la raison principale que les économistes ont des difficultés à aborder cette question contrairement à d'autres scientifiques sociologues, philosophes ou anthropologues car elle remet en cause l'ensemble de notre système et de nos théories.

Alors que c'est précisément cet objectif qui devrait nous enthousiasmer, il nous donne à devoir renouveler notre appareil théorique, remettre en cause les lois que nous croyons acquises et comprendre que l'avenir se passe au-delà du triste débat croissance/ décroissance.

Il nous appartient donc de continuer l'étude de ce sujet même si aucune institution ne souhaite visiblement en faire un sujet d'étude, la connaissance ne doit pas souffrir de ces peurs et frilosités, car nous devons absolument connaître les mécanismes de ce phénomène. 

Voir aussi sur le même sujet :

Télécharger le sujet (cliquez sur le lien) : Prévenir et prémunir des différentes formes de pénuries par l'adaptation du système économique 

ou  Voir l'article résumé sur le blog :  Projet de recherche article sur le blog

 

jeudi 21 avril 2022

La "pénurie" s'applique aussi à la logique de marché

L'erreur est de croire que le sujet de la pénurie ne s'applique qu'à des sujets purement matériels, or la pénurie est un concept complexe et éclaté. La pénurie peut être autant totale que partielle, réelle ou vécue comme imaginaire, faire l'objet autant d'une rumeur qu'avoir une vraie conséquence sur les marchés. Cette dernière implique aussi que la pénurie peut avoir une forme financière, ne concerner que la production d'argent ou plus simplement sa distribution, son échange et le fonctionnement élémentaire d'une économie. C'est la raison pour laquelle contrairement à ce que nous pouvons entendre couramment, il est important d'étudier la pénurie dans la totalité de ses formes car elles ont de fait et de par cette description une conséquence tant sur les marchés financiers que sur l'environnement.

Dans les propos qui suivent, nous nous limiterons à une réflexion liminaire concernant la logique de marché et pourquoi approfondir la question des pénuries devient un véritable enjeu dans les différents investissements.

En effet, selon la description que nous en faisons l'appréhension d'une pénurie peut avoir des conséquences bien avant sa venue, elle intime des réactions avant même que celle-ci n'est eu vraiment lieue, elle implique donc des changements des différents acteurs sur la construction qui se font des pénuries matérielles qu'ils imaginent.

Différents discours se croisent alors forcément entre ceux qui sont alarmants et d'autres qui seront plus rassurants, mais dans tous les cas, selon la domination des uns et des autres, créeront leur réalité, voire leur bulle. Puisque c'est peut-être l'un des enseignements de l'étude des pénuries, elles gèrent par bulles spéculatives et selon la peur des marchés, nous ne sommes plus dans l'étude rationnelle.

Quand l'idée de pénurie s'installe, elle entraîne de fait un réajustement du marché et des phénomènes d'inflation. C'est pourquoi qu'elle soit réelle ou supposée, la pénurie aura de toutes les façons une influence.

Les devancer et surtout adapter notre société à un phénomène duquel nous nous croyons protégé, demande de mieux connaître leur mécanisme, c'est aussi la raison de cette étude sur le lien entre la monnaie et les différentes formes de pénurie car, là aussi, contrairement à ce que nous entendons trop souvent, la monnaie n'est pas neutre et peut être aussi touchée par des phénomènes de pénurie, soit en fonction des prix ou même de l'attractivité du territoire lorsqu'une monnaie est surévaluée et condamne les productions locales et leur compétitivité.

L'histoire, l'économie, le droit, l'anthropologie politique mais aussi les sciences biologiques et physiques devraient nous aider à comprendre des phénomènes qui ont et auront de plus en plus d'impacts sur les marchés.

Voir aussi sur le même sujet :

Voir le projet : Prévenir et prémunir des différentes formes de pénuries par l'adaptation du système économique 

ou  Voir l'article résumé sur le blog :  Projet de recherche article sur le blog


mardi 12 avril 2022

La guerre des générations n'aura pas lieu, il faut certainement regarder ailleurs...

Suite au premier tour de l’élection présidentielle française de 2022, une explication revenait souvent sur les réseaux sociaux, comme quoi ce serait les « boomers » qui seraient devenus la base de l'électorat du Président sortant. Pour appuyer cette théorie, une étude affirme que près de 40 % des votants avaient 65 ans et plus.

Sur Twitter, j'ai reçu un graphique qui détaille le vote par âge, et que ne fut pas ma surprise. D'abord, si 40 % des votants pour le président sortant ont plus de 65 ans, cela signifie aussi que 60 % des plus de 65 ans n'ont pas voté pour lui, soit une majorité d'entre eux, en suite, cela signifie aussi que l'électorat du président sortant n'est pas que boomers.

Je me suis intéressé aux autres tranches d'âge de ce document, et que voit-on ?

Chez les moins de 24 ans, il est arrivé en deuxième position, il est aussi en deuxième position chez les 35-49 ans, et enfin, chose plus surprenante à première vue, il est en deuxième position aussi chez les 50-64 ans avec 25 % alors même qu'il a déclaré qu'il allait prolonger le départ de l'âge de la retraite, et c'est la classe directement concernée par cette mesure.

Or, un tel graphique a l'inconvénient de mélanger toutes les catégories socio-professionnelles et de revenus.Il y a pourtant une grande différence entre un ouvrier de 60 ans et un cadre ou haut fonctionnaire du même âge. Si l'un ne se voit pas travailler plus longtemps, l'autre n'y voit peut-être pas tant inconvénient car, son centre d'intérêt n'est pas le même.

Lorsqu'on apprend que la grande majorité de l'électorat du président sortant gagne plus de 3000 euros par mois, les chiffres de l'âge commencent à être relativisés.

Les pourcentages que nous voyons, comme souvent en France, ont une réalité socio-économique, ils correspondent à la classe moyenne – moyenne supérieure, celle qui a un petit capital, fortement individualiste, dont une bonne partie adhère au libéralisme et à sa promesse de bonheur matériel, bonheur matériel qui devient une source de liberté en lieu et place de la liberté politique, celle qui est généralement pro-européenne, qui rêve de pouvoir passer dans la classe supérieure. Elle craint de sortir de l'euro car, elle croit qu'il garantirait son épargne, qui la protège, même si cette idée est plus de l'ordre de la croyance que de la vérité dans le sens où l'euro étant une monnaie internationale s'appliquant sur plusieurs pays au niveau économique très différent coûte très cher aux territoires où cette monnaie devrait être dévaluée, et la France fait partie de ces territoires.

Or, c'est certainement cela que nous apprend finalement ce graphique, derrière ce vote, quel qu'en soit la véracité, c'est un combat de classe, entre ceux qui voyant le bateau couler ont déjà pris les radeaux, et ceux qui s'accrochent au mat croyant le capitaine, que tant qu'ils gardent le même cap, l'inondation les épargnera.

C'est pour cette raison que la guerre des générations n'aura pas lieu car, c'est bien le portefeuille qui est en jeu dans cette histoire, et comme de plus en plus de personnes commencent à avoir les pieds dans l'eau, mais visiblement pas suffisamment, on attend que le bateau coule pour comprendre qu'être attaché au mat ne sert à rien.

vendredi 1 avril 2022

"1936-1946 : La guerre des souverainismes "

Contrairement à ce que nous pouvons entendre couramment dans les médias de grande écoute, il n'y a pas un souverainisme, mais plusieurs souverainismes, et contrairement à ce que là aussi nous entendons, il n'est pas l'exclusivité de la droite, il existe aussi un souverainisme de gauche, bien évidemment dans la mesure que nous attribuons de la valeur à la division droite/gauche, étant entendu que si elle ne rend pas compte des mutations actuelles du champ politique, elle est encore largement utilisée et va de fait facilité la compréhension de notre propos.

Car, en lieu et place de l'étude des souverainismes à notre époque, il est préférable de revenir un temps en arrière en une période d'histoire que j'avais déjà rencontré au cours de mon premier doctorat : 1936-1946. L'objectif n'étant pas d'être exhaustif dans la manifestations des souverainismes dans toutes leurs nuances, mais d'en dégager essentiellement trois.

Cette période prolixe en manifestations politiques des pouvoirs les a peu de chose près tous connus, et c'est en ce sens que y revenir en une si courte période, nous permet d'observer ces manifestations du pouvoir rangées dans les archives de l'histoire bien que toujours actuelles.

La première manifestation du souverainisme en 1936 a été une réponse à celui de la droite. Le front Populaire qui dure de 1936 à 1938 a été quoiqu'on en dise une forme de souverainisme, c'est-à-dire un moment où la nation décide souverainement de son destin, et à ce moment précis, c'est bien du souverainisme de gauche, celui qui se compose alors avec le peuple ouvrier qui se lève. Il ne dure que brièvement et retombe finalement assez vite, mais il marque cette fierté du peuple dans la conquête des droits qui bien évidemment désarçonne les grands propriétaires et industriels, mais qui ont marqué un moment de véritable réunion. Ce souverainisme-là a une certaine difficulté à perdurer, et des alliances plus classiques, centrales dans l'échiquier politique y mettent fin dès 1938.

Le second souverainisme, dont nous allons parler, s'exprime en 1940 alors même que la guerre est déclarée, c'est celui qui donne naissance au gouvernement de Vichy qui va mettre à sa tête le Maréchal Pétain largement soutenue par la classe politique de l'époque, y compris d'une bonne partie de la gauche, et peut-être même de la population. Ce souverainisme met en avant les couleurs de la patrie, des valeurs de travail, de la famille dans ses discours. Nous disons dans les discours car si dans un sens ces valeurs sont prônées et que l'autorité se doit d'être affirmée par le contrôle, il en va autrement dans la réalité où la patrie est divisée physiquement en zone libre et zone occupée, le STO (travail obligatoire) pousse les jeunes à entrer en résistance et les familles, de par la guerre, sont séparées. Mais, l'élément notable de ce souverainisme se marque avec la recherche d'un ennemi intérieur, il y a les bons et les mauvais français, il devient donc impératif de lutter contre ces travers pour pouvoir établir une nouvelle Révolution Nationale qui donnera naissance à un nouvel homme. C'est la raison pour laquelle dans ce souverainisme, il est possible de chanter la gloire au couleur de la nation et se soumettre à un occupant, voire à en souhaiter la victoire, car la guerre n'est pas à l'extérieur du territoire, elle est à l'intérieur contre les traîtres et les étrangers à la nation.

A ce souverainisme, le Général de Gaulle répond que la guerre qui s'abat sur notre sol en 1940 est mondiale, et par cet acte marque l'existence de fait d'un troisième souverainisme qui se veut indépendant, qui proclame l'unité d'une nation, sa grandeur et surtout que l'ennemi est à l'extérieur. Il faut donc combattre cet ennemi commun car la France est une unité libre et qu'elle n'est elle-même que quand elle est unifiée et libre. C'est aussi la raison pour laquelle nous disons que la division droite/gauche a ses limites dans ce cas précis puisque tant le souverainisme vichyste que le souverainisme gaullien (et non pas gaulliste) trouve dans leur rang tant des membres issus de la droite que de la gauche, la guerre faisant souvent comme en son habitude sauter les convictions de groupe pour nous ramener à notre conscience personnelle.

La première remarque de ce court propos est qu'il existe bien évidemment d'autres manifestations du souverainisme en France et que ces souverainismes se déplacent dans l'espace passant de droite à gauche, se jouant des hommes et des événements.

La deuxième remarque est comme vous pouvez le remarquer qu'il n'y a pas de correspondance stricte entre souverainisme et indépendance, qu'il est parfaitement possible d'adhérer à un souverainisme est être soumis à un autre État ou une structure supranationale.

Troisièmement qu'il est important de ne pas confondre les souverainismes qui cherchent leurs ennemis et la raison de leur combat dans un ennemi intérieur, et les souverainismes qui au contraire placent l'ennemi de fait à l'extérieur, condition de l'unité de la nation indépendante.

Et enfin quatrièmement remarque, qu'il existe bien un souverainisme social et du peuple qui peut lutter pour sa condition et en parallèle à la gloire de son pays, voire de tous les pays.

Pour conclure, dire que la question souverainiste est une question complexe, pleine de nuances, qui peut porter à la confusion du fait que nous voyons le drapeau national, car il peut de fait avoir des sens très différents suivant qui le porte. Et contrairement là aussi à tout ce que nous entendons, tous ces héritages sont encore bien vivants, ainsi va le sens de l'histoire.

 

Sur la même période 1936-1946, lire aussi :

"Appréhender l'inconnu, l'héritage des pédagogies des années 30 et 40"

 

 

 


Voir sur le même sujet cette réflexion sur la "Nation" :