Contrairement à ce que nous pouvons entendre couramment dans les médias de grande écoute, il n'y a pas un souverainisme, mais plusieurs souverainismes, et contrairement à ce que là aussi nous entendons, il n'est pas l'exclusivité de la droite, il existe aussi un souverainisme de gauche, bien évidemment dans la mesure que nous attribuons de la valeur à la division droite/gauche, étant entendu que si elle ne rend pas compte des mutations actuelles du champ politique, elle est encore largement utilisée et va de fait facilité la compréhension de notre propos.
Car, en lieu et place de l'étude des souverainismes à notre époque, il est préférable de revenir un temps en arrière en une période d'histoire que j'avais déjà rencontré au cours de mon premier doctorat : 1936-1946. L'objectif n'étant pas d'être exhaustif dans la manifestations des souverainismes dans toutes leurs nuances, mais d'en dégager essentiellement trois.
Cette période prolixe en manifestations politiques des pouvoirs les a peu de chose près tous connus, et c'est en ce sens que y revenir en une si courte période, nous permet d'observer ces manifestations du pouvoir rangées dans les archives de l'histoire bien que toujours actuelles.
La première manifestation du souverainisme en 1936 a été une réponse à celui de la droite. Le front Populaire qui dure de 1936 à 1938 a été quoiqu'on en dise une forme de souverainisme, c'est-à-dire un moment où la nation décide souverainement de son destin, et à ce moment précis, c'est bien du souverainisme de gauche, celui qui se compose alors avec le peuple ouvrier qui se lève. Il ne dure que brièvement et retombe finalement assez vite, mais il marque cette fierté du peuple dans la conquête des droits qui bien évidemment désarçonne les grands propriétaires et industriels, mais qui ont marqué un moment de véritable réunion. Ce souverainisme-là a une certaine difficulté à perdurer, et des alliances plus classiques, centrales dans l'échiquier politique y mettent fin dès 1938.
Le second souverainisme, dont nous allons parler, s'exprime en 1940 alors même que la guerre est déclarée, c'est celui qui donne naissance au gouvernement de Vichy qui va mettre à sa tête le Maréchal Pétain largement soutenue par la classe politique de l'époque, y compris d'une bonne partie de la gauche, et peut-être même de la population. Ce souverainisme met en avant les couleurs de la patrie, des valeurs de travail, de la famille dans ses discours. Nous disons dans les discours car si dans un sens ces valeurs sont prônées et que l'autorité se doit d'être affirmée par le contrôle, il en va autrement dans la réalité où la patrie est divisée physiquement en zone libre et zone occupée, le STO (travail obligatoire) pousse les jeunes à entrer en résistance et les familles, de par la guerre, sont séparées. Mais, l'élément notable de ce souverainisme se marque avec la recherche d'un ennemi intérieur, il y a les bons et les mauvais français, il devient donc impératif de lutter contre ces travers pour pouvoir établir une nouvelle Révolution Nationale qui donnera naissance à un nouvel homme. C'est la raison pour laquelle dans ce souverainisme, il est possible de chanter la gloire au couleur de la nation et se soumettre à un occupant, voire à en souhaiter la victoire, car la guerre n'est pas à l'extérieur du territoire, elle est à l'intérieur contre les traîtres et les étrangers à la nation.
A ce souverainisme, le Général de Gaulle répond que la guerre qui s'abat sur notre sol en 1940 est mondiale, et par cet acte marque l'existence de fait d'un troisième souverainisme qui se veut indépendant, qui proclame l'unité d'une nation, sa grandeur et surtout que l'ennemi est à l'extérieur. Il faut donc combattre cet ennemi commun car la France est une unité libre et qu'elle n'est elle-même que quand elle est unifiée et libre. C'est aussi la raison pour laquelle nous disons que la division droite/gauche a ses limites dans ce cas précis puisque tant le souverainisme vichyste que le souverainisme gaullien (et non pas gaulliste) trouve dans leur rang tant des membres issus de la droite que de la gauche, la guerre faisant souvent comme en son habitude sauter les convictions de groupe pour nous ramener à notre conscience personnelle.
La première remarque de ce court propos est qu'il existe bien évidemment d'autres manifestations du souverainisme en France et que ces souverainismes se déplacent dans l'espace passant de droite à gauche, se jouant des hommes et des événements.
La deuxième remarque est comme vous pouvez le remarquer qu'il n'y a pas de correspondance stricte entre souverainisme et indépendance, qu'il est parfaitement possible d'adhérer à un souverainisme est être soumis à un autre État ou une structure supranationale.
Troisièmement qu'il est important de ne pas confondre les souverainismes qui cherchent leurs ennemis et la raison de leur combat dans un ennemi intérieur, et les souverainismes qui au contraire placent l'ennemi de fait à l'extérieur, condition de l'unité de la nation indépendante.
Et enfin quatrièmement remarque, qu'il existe bien un souverainisme social et du peuple qui peut lutter pour sa condition et en parallèle à la gloire de son pays, voire de tous les pays.
Pour conclure, dire que la question souverainiste est une question complexe, pleine de nuances, qui peut porter à la confusion du fait que nous voyons le drapeau national, car il peut de fait avoir des sens très différents suivant qui le porte. Et contrairement là aussi à tout ce que nous entendons, tous ces héritages sont encore bien vivants, ainsi va le sens de l'histoire.
Sur la même période 1936-1946, lire aussi :
"Appréhender l'inconnu, l'héritage des pédagogies des années 30 et 40"
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