mercredi 13 janvier 2021

La Révolution et l'échec d'un grand reset à la française

Je copie ici un extrait du texte que je suis en train d'écrire pour résumer mes travaux de recherche sur les institutions. Je me suis laissé aller à une réflexion sur l'idée de "table rase" comme nous avons pu le connaître avec la Révolution de 1789 et comprendre les illusions derrière cette idée simple en apparence :

"Face à l’impasse fiscale de réformer le pays, le Roi décide donc de convoquer les Etats Généraux en 1789 pour engager les décisions nécessaires. Le résultat aboutit à une Révolution, la fin de la monarchie, le début d’une République fragile, vite remplacé par un Directoire, puis un Empire qui résout son besoin de finance en la nationalisant par la création de la Banque de France.

Mais, l’idée qui va dominer à la Révolution, est celle de la « table rase », une sorte de grand « réset » du passé pour le plus grand malheur de ses initiateurs. C’est donc dans un véritable salut public fiscal que les révolutionnaires réinventent le « fisc ».

Au début, l’idée est noble, il ne faut plus d’impôts indirects injustes et antidémocratiques, et pour se faire il faut tout raser sans distinction car, ce n’est pas seulement les dettes qui doivent disparaître avec un moratoire, mais le régime, les traditions, la religion qui doit être remplacée par de nouvelles fêtes, un nouveau baptême « républicain », un calendrier qui part de l’an zéro, celle de la Révolution de la France. Une véritable table rase.

On tourne la page et on recommence.

Sauf, que ce n’est pas aussi facile dans le sens où le passé s’accroche, les dettes effacées n’effacent pas les dépenses, et la guerre coûte chère. L’endettement revient alors très vite. Il faut alors improvisé avec une monnaie-emprunt, l’assignat, qui n’ira pas au-delà du Directoire, il faut alors prendre l’argent où il y en a, pense-t-on à l’époque, sur les biens de l’Eglise et chez les riches.

La table rase est une spirale, séduisante à première vue, elle nous entraine dans les travers de l’homme, celui de croire qu’il peut être Dieu à la place de Dieu, effacer l’ardoise et tout recommencer.

Mais, « on n’empêche pas un homme d’être le fils de son père », et c’est pour cette raison que l’idée de tout effacer ramène les privilèges par la fenêtre, là où ils étaient partis par la porte. Les propriétés en vente sont acquises par les riches qui deviennent alors encore plus riche, et ceux qui sont en exils, en définitif, ne le resteront pas si longtemps et reviendront récupérer une bonne partie de leurs biens à la Restauration.

Dans la mesure où la nature profonde du pouvoir est d’en abuser, et non pas comme nous croyons trop souvent d’en user, les hommes effacent le passé pour redistribuer un jeu de carte truqué ou lancer un dé pipé, et c’est exactement ce qui s’est passé.

Cette période devrait nous inspirer pour notre présent pour éviter précisément les erreurs du passé.

Alors, je pense qu’il est nécessaire de faire une digression importante pour l’histoire.

Face à une dette monumentale, et devenue incontrôlable, la tentation est grande de vouloir l’effacer, de la faire disparaitre par une simple convention se disant que si tout le monde est d’accord, elle disparait et nous n’en parlerions plus, et nous pourrions en profiter pour réorganiser le système au passage.

Cette idée simple au demeurant est tout sauf simple car, elle engage des millions (voire des milliards) de situations différentes, d’hommes et de femmes qui seront à terme victimes de cette idée puisque cette dette a avant tout pour origine l’imprévoyance des gouvernements qui comme nous l’avons dit ont abusé de leur pouvoir.

Il y a une grande illusion de croire qu’imprimer de la monnaie sur papier ou même de façon scripturale serait créer de la richesse, au contraire c’est créer un pont invisible sans aucune fondation, qui tôt ou tard s’effondrera.

Et, la table rase n’y change rien, dans la mesure où la raison de cet irréalisme économique, dans notre cas la société de surproduction et d’hyperconsommation, ne disparaitra pas avec un effacement des dettes, au contraire, si elles sont effacées, c’est pour nous permettre d’y retourner encore plus fort qu’avant.

Il y a me semble-t-il une vraie illusion dans cette idée de table rase, qu’ont vécu aussi les Révolutionnaires, celle de croire que nous pouvons inventer le monde par notre esprit, sauf que le monde est bien plus que nous-mêmes, est bien plus qu’une addition de rationalités.

La réalité n’est pas fixée par l’Homme, elle est fixé par la Nature et la Terre, appelons-là comme nous le souhaitons, le fait est que la Terre nous est donnée, nous ne la créons pas, nous la transformons certainement, nous aimerions la dominer comme nous souhaiterions dominer les phénomènes sociologiques et économiques, mais rien y fait, l’homme reste un homme, et rien de plus, et rien de moins.

Il peut effacer ce qu’il veut, ce ne sera qu’une opération de l’esprit, son passé le rattrapera quand même, il serait plus inspiré, d’y faire face. 

 

 

mardi 12 janvier 2021

La mutation de notre paradigme économique ne sera pas numérique

Contrairement à ce que beaucoup pense, la mutation de notre paradigme économique ne sera pas numérique, puisque ce dernier est sa poursuite, non le changement devra forcément être l'exact inverse, je l'écrivais déjà en 2017 dans l'introduction de mon ouvrage "L'économie intégrée au vivant" (voir ici) ou (ouvrir le lien) dont je vous recopie ici l'extrait : 

"Objet d’indifférence, la Nature se rappelle à nos souvenirs. Sauvage ou cultivée, elle nous remémore qu’elle demeure l’élément fondamental, indispensable et nécessaire à tout ce qui existe. Il n’y a aucun avenir à imaginer un monde sans elle, aucune matière et aucune possibilité de la substituer. Nous lui restons pieds et poings liés quelle qu’en soit notre philosophie. Nous la maltraitons pourtant, usons et gaspillons les richesses qu’elle a mises à notre disposition pour assouvir notre cupidité.

Nous bâtissons des murs de connaissance pour l’ignorer, des théories pour nous en séparer et affirmer que nous pouvons la modifier jusqu’en notre corps.

Nous refusons, en parallèle, tous changements des lois politiques et économiques que nous avons pourtant créées. Dans ces conditions, l’immuable devient modifiable et l’éphémère éternel.

Nous sommes néanmoins informés sur la limite prochaine de nombreuses matières premières car, ce n’est pas que le pétrole qui est touché par une fin proche, mais un ensemble de matières. Nous savons également, à l’heure actuelle, que les découvertes scientifiques butent sur une production massive d’énergie de substitution sans transformer l’économie. La mutation de cette dernière devient véritablement chaque jour une marche forcée à la recherche de l’équilibre naturel.

Nous nous préparons à l’un des changements les plus importants de l’économie, en l’intégrant au rythme naturel, même si les initiatives pour la préparer restent marginales. Aucune réflexion sur de nouveaux modes économiques de production et distribution de la monnaie (si ce n’est les monnaies alternatives) est mise en place parce que nous vivons sur l’espoir de découvertes scientifiques.

Ces dernières sont pourtant confrontées au problème d’échelle, y compris pour le pétrole de synthèse ou de substitution. La production de bio-pétrole ne résout d’ailleurs pas non plus la question de la pollution, émise notamment par les transports, même si on est abreuvé de schémas assez simplistes, comme celui où l’on peut voir une voiture qui émet du CO2 et une usine qui le recycle ; or, cette image n’est qu’une image de communicant. Dans la réalité, rien ne se passe de la sorte. Le CO2 qui aide à la transformation est celui d’usines émettrices de forts polluants, et non celui des voitures. Le CO2 se dévoile aussi dans d’autres campagnes de communication comme l’égal d’une énergie propre, l’homme voulant imiter la Nature. Cette formule est malheureusement aussi un slogan de communicants, puisque dans sa première version, ces bioénergies n’ont de « bio » que le nom. Elles ont un très fort impact sur la planète.

Il est alors possible que dans la panique face à l’échéance, on construise à tout va des usines de bio-pétrole un peu partout sur tous les continents. Mais, cette précipitation ne résout malheureusement rien sur le fond car, ce n’est pas qu’une question de pétrole et de véhicules, c’est une question avant tout de comportements. Les problèmes ne sont pas forcément où on croit qu’ils sont, puisque le véritable enjeu est politique, et celui-ci, peu de personnes veulent le voir.

Dans la mesure où notre présent nous semble éternel, qu’il soit sûrement absurde pour de nombreuses personnes que les scientifiques (?!) ne trouvent pas de solutions à nos échéances, personne n’aura d’intérêt à s’intéresser à la question de l’énergie et à la mutation inéluctable de nos économies. Mais, est-ce pour autant que nous devons nous en désintéresser ? Car, il est indéniable que la fin progressive ou brutale des matières premières va entrainer, de fait, si elle n’a pas été anticipée, un choc dont nous avons du mal à en imaginer l’impact. Les réactions seront, sans nul doute, violentes et remplis d’incompréhensions.

Aborder ce sujet entraine la question quasi systématique : où est la solution ? Toutes les analyses aussi performantes soient-elles n’attirent l’attention du public que s’il y a l’annonce d’évolutions techniques acceptables, en d’autres termes, qui ne modifient pas trop nos habitudes quotidiennes : Alors, préparons–nous !

Si nous voulons faire face aux évènements à venir, la mutation de l’économie devra sans aucun doute être radicale. Cette perspective loin de nous effrayer devrait au contraire nous réconforter car, elle signifie que si la physique n’amène pas de réponses satisfaisantes, les sciences politiques n’ont peut-être pas dit leurs derniers mots.

Il est certain que les changements à opérer vont être énormes, lourds et contraignants, mais ces dernières signifient au moins qu’il y a des solutions. Puis, les hommes les accepteront et ils arrêteront d’en ricaner quand le changement deviendra inéluctable et réel. C’est pourquoi, même si cette perspective d’avenir, pourrait sembler à de nombreux égards, perdue, il n’en est rien, bien au contraire, l’espoir doit rester de mise car, les bases théoriques d’une économie intégrée au Vivant demeurent possibles. Bien moins complexe qu’il n’y paraît, la situation économique reste relativement simple à résumer.

Les revenus sont liés à la production ; cette dernière détermine l’ensemble de l’économie, y compris la bourse qui prospère en spéculant sur elle ou le crédit qui se rembourse sur son bon fonctionnement, et les impôts qui sont, ne l’oublions pas, des prélèvements sur les consommations et les revenus.

Si nous n’arrivons pas à séparer la création des revenus de la production, le système actuel va rencontrer de plus en plus de difficultés, puisqu’il ne peut produire intensivement et indéfiniment sans tenir compte des rythmes naturels.

Les Ressources n’étant pas infinies, ce système d’exploitation à outrance connaîtra de fait l’implosion. Il devient, par conséquent, impératif d’imaginer un système économique où la création monétaire (dans certaines limites et directement distribuée auprès des personnes physiques) soit distincte de la production.

Il devient, par extension, crucial de déterminer les biens fondamentaux pour que l’économie respecte la Nature et que soient partagées équitablement les Ressources.

A chaque fois que le système politique écrase un individu pour ses dettes, qui met une personne à la rue, qui le prive des biens essentiels ; ce système est en échec.

Si nous élisons nos gouvernants, c’est précisément pour être soutenu, protégé, et pour préparer notre avenir ; et non l’inverse. Bien sur cette surconsommation a eu une conséquence sur le climat et le réchauffement de la Terre.

Une théorie circule néanmoins qu’il suffirait de modifier les modes de consommation d’énergies non renouvelables vers des énergies renouvelables pour arrêter le phénomène du réchauffement. Or, il n’en est rien car, ce qu’il faut changer, c’est bien plus que des modes de consommation, c’est le mode économique qui établit la relation entre la production des biens et l’acquisition des richesses ; et par extension, notre incapacité de répartir cette richesse.

L’enjeu du réchauffement climatique et des catastrophes qu’il va engendrer, demeure l’un des multiples aspects des conséquences dramatiques d’un modèle économique qu’il faut quitter car, lutter contre le réchauffement climatique est certainement un acte moral, mais aussi et surtout une obligation politique et économique.

Nous avons connaissance de la pile à combustible, de la feuille artificielle, des procédés liés à l’hydrogène, toutes ces technologies prometteuses pour certaines, peuvent résoudre d’une façon momentanée des difficultés ; mais la technologie appelant la technologie, cette démarche ne résout malheureusement pas le cœur du problème, lié au modèle économique, et son incapacité actuelle de partager les richesses produites, mais au contraire, d’exploiter à outrance nos Ressources, de les gaspiller en lieu et place d’un système efficace pour leur bonne répartition.

Il y a un vrai risque de l’illusion technologique qui donnerait finalement naissance à un monde encore plus ségrégationniste entre les riches et les pauvres, permettant toujours à un petit nombre de continuer à vivre en ignorant le reste de l’Humanité, corps et âme, dévouée à produire le bien être de cette minorité."