samedi 4 mars 2023

SNU - Ecole-armée ou Armée-école, "retour vers le futur"? Être vissionnnaire ne sert à rien.

Pour ceux qui suivent un petit peu l'actualité, vous avez vu la volonté de l'exécutif de rendre obligatoire à toute une classe d'âge le SNU (service national universel), dont le coût comme l'organisation va demander d'énormes efforts à un moment où bien des ministères auraient besoin de cette manne.

L'actualité nous rattrapant, en 2008 j'avais soutenu mon doctorat en sciences de l'éducation qui s'appelait : " Entre Culture et Politique, concevoir l’armée et l’école entre 1936 et 1946 en France" ( Cliquez ici pour voir la page sur le doctorat en sciences de l'éducation) dont le sujet était les pédagogies en lien entre l'armée et l'école car j'avais été frappé qu'en France le débat tourne entre ces deux ministères "l'armée" et "l'éducation", et à savoir qui était le porteur des valeurs républicaines, deux camps, pour faire simple, se faisaient face : 1 - ceux qui pensent que les valeurs militaires d'ordre et de discipline doivent s'imposer à l'école pour former de bons citoyens et 2 - ceux qui pensent au contraire que l'éducation nationale possède des valeurs qui lui sont propres basées sur des valeurs plus éducatives du dialogue et universalistes.

A l'époque, mon travail qui a été récompensé tout de même du doctorat, avait qu'en même était très critiqué, m'indiquant que cette problématique était dépassée.... En êtes-vous bien certain? Entre temps est apparu le SNU qui revendique précisément pour créer une cohésion nationale une alliance avec qui ? L'armée et l'école bien sur. 

Mon travail qui ne m'a permis de décrocher aucun poste était néanmoins un petit peu visionnaire...

Mais cette malheureuse satisfaction ne me sert à rien, d'autant plus que j'aurais préféré que le débat des années 40 ne revienne jamais.

J'espère que la jeunesse lèvera le nez de ses consoles pour prendre conscience de la farce à laquelle, malgré elle, elle participe... 

Je vous laisse néanmoins un extrait, non de la thèse, mais du résumé libre que j'avais rédigé dix ans après en 2020 sous le titre "Appréhender l"inconnu, l'héritage des pédagogies des années 30 et 40" qu'en je m’apercevais bien de l'intérêt de mon travail, voilà ce que j'écrivais dans l'introduction :


"[...] lorsque nous regardons les principes éducatifs mises en avant, ils reviennent souvent à la confrontation des idées et des hommes qui s’est développée dans les années 30 et 40, période quand même qui a connu un conflit mondial et un bouleversement profond de notre conception de l’homme, assez fort pour que près de quatre-vingt-dix ans après nous n’ayons pas dépassé les termes du débat qui peut se concentrer dans la confrontation entre une volonté de libérer les hommes des répressions et contraintes qu’ils subissent et une volonté au contraire de renforcer des autoritarismes et des contrôles pour rendre en théorie plus efficace le rendement des productions humaines.

Ces deux mouvements travaillent d’une façon plus ou moins marquée l’expression des mouvements d’éducation, et plus largement la relation que nous pouvons développer chacun d’entre nous envers autrui.

[...]

Nous intéresser aux années 30 et 40, et plus particulièrement à la période qui va de 1936 à 1946 en France n’est pas un choix anodin, puisqu’il se concentre un amas d’évènements qui permet en dix ans de brosser des comportements humains que nous retrouverons par la suite dans notre histoire ; pour nous, l’occasion de mieux appréhender la relation pédagogique avec autrui, c’est-à-dire pour apprivoiser l’inconnu.

Cette période a aussi un intérêt car, elle est un moment de guerre et de confrontation mondiale, demandant aux différents participants de se dévoiler, d’être finalement plus authentique face à sa propre pensée, appelant aussi à insérer la France dans une réflexion européenne.

La période 1936-1946 est particulièrement riche en expériences gouvernementales différentes. Il est possible de noter successivement le Front populaire, le gouvernement de Vichy, la France libre et un gouvernement provisoire en sortie de guerre.

Le débat qui anime l’éducation en cette période de Guerre Mondiale trouve sa source dans la Révolution Française comme l’exprime le Maréchal Pétain, créant un parallèle entre l’école et l’armée dès 1934 lors du 14e banquet de la Revue des deux Mondes : « cadres scolaires et cadres militaires ont, en effet », selon lui, « une mission commune : développer la valeur physique, tremper les cœurs, forger les volontés. Mais, tandis que l’armée forme des soldats, instruments éventuels de la défense du sol, les corps enseignants préparent des citoyens, artisans permanents de la grandeur du pays (…) [Seulement], la France n’est pas dotée d’un véritable système d’éducation nationale [les enseignants élèvent les jeunes] dans l’ignorance ou le mépris de la Patrie ». L’enjeu pour Pétain est la lutte qu’il entame contre l’Universalisme des Lumières et donc de remplacer la Révolution Française par une Révolution Nationale, ayant pour base les valeurs militaires d’ordre et de discipline, étant les seules pour lui dignes à l’accomplissement de la personne et à sa réussite sociale, et par ricochet de la Nation.

Ne l’oublions pas, cette idée se développe encore dans nos institutions sous des formes indirectes qui visent le contrôle et la discipline autoritaire pour la réussite et les bons résultats.

L’école a donc été très tôt un lieu certes où nous formons les futurs hommes et femmes du pays, mais aussi un lieu de l’expression du pouvoir, même si les instituteurs et les professeurs ne s’en aperçoivent pas toujours.

Alors bien évidemment, en cette période trouble, la vision de Pétain et du gouvernement de Vichy n’est pas la seule à se développer, même si nous notons dans des mouvements moins officiellement autoritaristes cette volonté de mélanger l’armée et l’école comme dans la Résistance avec l’OCM (Organisation Civil et Militaire) ou encore les FTP (Francs-tireurs et partisans) proche du Parti Communiste.

Différentes visions de la France se développent ainsi à cette époque, qui seront autant de conceptions de l’autorité : De Gaulle et la France Libre à Londres qui développe une vision mondialiste du conflit et du rôle du pays, Giraud qui souhaite rester dans le cadre de la loi, les Communistes qui suivent l’Internationale et le Maréchal Pétain qui vise, comme dit ci-dessus, une Révolution Nationale et la construction d’un homme nouveau. [...]"  

 

 


vendredi 3 mars 2023

Le Quatrième Pouvoir pour refaire du lien

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Si le monde change, ce ne sera ni pour l’écologie, ni même pour le social, mais bel et bien pour recréer des liens qui ont disparus et qui permettaient à un maximum de personnes de vivre correctement sur son territoire et de faire communauté.

Quel que soit la gravité de ce que nous vivons, les hommes ne bougent que lorsque leur imaginaire commun dessine un horizon visible, donnant un sens à leur geste, à leur don, à leur existence.

Les hommes changent quand la volonté de faire du lien n’est plus suffisamment fédérateur, quand dans la société chacun est étranger à son voisin, quand la solitude a atteint un tel niveau qu’il n’y a plus comme solution que de se mettre en mouvement.

C’est bien le lien qui amène à l’union, à l’appartenance à une communauté, à un territoire car les hommes ont toujours été des êtres de territoires, même quand ils sont nomades, c’est la terre qui fait le lien, crée les valeurs, lie les hommes entre eux, donne ce sentiment d’appartenance, aussi différent soit-on, le lien est primordial et le changement n’arrive que lorsqu’il risque de disparaître.

Nous ne parlons pas d’évènements du grand soir, mais bel et bien d’un processus lent et silencieux, irrémédiable.

Le Quatrième Pouvoir dont nous nous assignions à discuter et montrer l’existence, et celui-ci, celui du lien fédérateur, existant avec ou sans État.

Le lien sans lequel rien n’existe.

Beaucoup de théories, concepts et discours ont été élaborés pour expliquer ce qui faisait l’unité d’un pays ; successivement nous avons parlé de la langue, du territoire, de l’appartenance religieuse, culturelle, de la volonté ou du désir de vivre ensemble ; mais au final, rien de toutes ces explications n’est totalement satisfaisante comme si quelque chose nous échappait.

J’ai souvent pensé à cette question, et j’en suis arrivé à la conclusion que ce qui fait l’unité d’un pays est autant ce qui le rassemble que ce qui le divise, que finalement la dispute, la division, la diversité, la pluralité sont autant de raison d’être ensemble que la bonne entente. Aussi paradoxalement que cette vision peut être, les mêmes choses qui rassemblent sont les mêmes choses qui divisent. C’est pourquoi, j’en suis arrivé à la conclusion qu’une société fait corps, s’unit quand elle a compris qu’elle va disparaître ou qu’elle peut disparaître.

Alors, il est possible de parler du lâcher prise et du lien. Aucun lien ne peut être activé si en parallèle nous ne lâchons pas prise de nos attaches ; et c’est pour ce fait que tant que les Français resterons attachés au cartésianisme, tant qu’ils croiront qu’ils faut souffrir pour apprendre, tant qu’ils croiront en l’ordre et en la discipline centralisatrice, à l’État militaire, aucun lâcher prise ne sera possible, et aucun nouveau lien salvateur ne pourra être créé, et donc notre destinée est connue. Car chaque peuple a son destin dans ses mains, ce ne sont pas les dirigeants qui choisissent, ce sont les peuples. Les chefs d’État ont l’illusion du choix tant que les peuples restent dociles, mais l’histoire l’a montré et démontré, il n’y a aucun peuple qui ne va là où il ne veut pas aller, ou là où il a renoncé de s’affirmer. Quand ceci arrive, c’est que tout simplement, sa culture a disparu. Nous choisissons collectivement notre trajectoire et donc nous sommes en capacité de réactiver des liens, à une condition que l’on abandonne des schémas culturels de penser que nous avons cru nôtre.

D’où cette analyse sur le Quatrième Pouvoir, celui qui fait lien, le pouvoir régulateur. 

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