La définition de ce qui a été baptisée la « violence légitime », est couramment attribuée au sociologue Max Weber, et se traduit comme le « monopole dont dispose l’État pour le maintien ou le rétablissement de l’ordre public ». Cette violence serait donc caractérisée de légitime, et seul l’État la posséderait.
D’ailleurs, nous savons que dans le Code Général des collectivités territoriales, l’ordre public est définit comme « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ». En d’autres termes, cette violence pourrait être utilisée pour assurer ces objectifs, faut-il encore les apprécier car, l’appréciation de l’ordre public demeure souvent une géographie variable.
Néanmoins, cette définition classique, que de chacun présentons comme allant de soi pose quand même un certain nombre de questions, et notamment lorsqu’on la confronte à l’histoire. Je me rappelle de la phrase de Raymond Aron qui disait qu’il préférait « avoir tort avec Weber que raison avec Durkheim », phrase prophétique à en croire car, l’histoire montre qu’il faut sans aucun doute timoré cette vue classique.
La seule évocation de la Résistance de 1940 fait voler en éclat les termes mêmes de « violence légitime » puisque aucun historien n’oserait je pense affirmer que les Résistants de cette époque n’étaient pas fondés dans leurs actions violentes. Pourtant, à l’époque, le pouvoir officiel, nous pouvons dire l’État, les avait condamnés et les traitait de « terroristes ». Faut-il alors rappeler que la « résistance à l’oppression » fait partie des droits imprescriptibles de l’Homme selon la déclaration de 1789, adossée, et n’est-ce pas un hasard, à la Constitution française de 1958.
Cette évocation nous rappelle que la légitimité de la violence se conditionne donc d’abord en fonction de la situation, qu’elle n’est pas une donnée et encore moins une propriété d’une Institution comme laisse pourtant penser la définition wébérienne.
Rappelons que l’usage de la violence est essentiellement acceptée en droit dans deux cas spécifiques ; dans le cas de la « légitime défense », c’est-à-dire le fait d’être agressé et de pouvoir se défendre pour protéger en premier lieu notre intégrité corporelle, il y a donc ici l’idée de menace, voire de péril ; la violence est aussi admise dans le cadre militaire dit des « assauts » que cela soit en situation de guerre ou lors d’opérations spéciales, telle qu’une intervention pour libérer des otages, menée dans ce cadre par des « forces spéciales ».
Nous le voyons en terme de droit, même l’État n’a pas le monopole de la violence, et ne peut l’utiliser légitimement que lorsqu’il y a, comme une personne, l’idée de menaces et de troubles.
Il faut aussi tenir compte de la réalité, et se poser la question de qui trouble l’ordre public et pourquoi ? Le rapport de force est aussi un aspect qui peut définir la violence légitime comme nous l’apprenait Jean de La Fontaine : « la raison du plus fort est toujours la meilleur… »
Cette partie de la réalité ne doit néanmoins pas nous faire oublier qu’un dernier aspect entre dans l’explication de la violence légitime à travers la définition que nous donnons de l’État. Ce dernier, y inclut-il le peuple ou non ? Dans le premier cas, s’il ne l’inclut pas, on peut caractériser la violence légitime sur les populations comme un monopole de l’État ; mais si, par contre, nous entendons que le peuple est une partie intégrante de l’État, donc d’un État définit comme multipolaire, l’usage de la violence contre le peuple est de fait illégitime car, elle serait l’œuvre d’une partie de l’État contre lui-même. Dans ce dernier cas, nous comprenons, que le peuple est de fait autant garant de l’ordre public que les institutions, c’est pourquoi la définition apportée à l’État est de ce fait fondamentale.
Il est intéressant de voir d’ailleurs comment la cours européenne en 1998 a exprimé que l’usage de la violence pour disperser une manifestation, n’était pas nécessaire.
Tous ces éléments laissent donc à penser que l’usage de l’idée de « violence légitime » comme étant la propriété de l’État demeure l’œuvre d’un faussaire, elle a l’apparence de la vérité, mais demeure fausse. La violence légitime doit au moins être regardée selon trois critères qui sont 1/ la situation, 2/ le rapport de force et 3/ la définition de l’État.
Ceci laisse donc à penser pour finir que l’usage de la violence demeure l’expression d’un système à court d’argument et qui penne à se faire entendre. Il apparaît aussi que le pouvoir ne devrait pas tant être analysé en termes de partage, comme fait trop couramment, mais en terme de réunion (union) de toutes les composantes de l’État, peuple y compris ; d’où l’idée d’État multipolaire.
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