Issu d'un texte écrit en 2004, La société de jeu est une étude que j'ai mené quand j'étudiais au MNHN à Paris, je voulais mettre en avant cet extrait sur la comparaison entre la Bourse et le Jeu.
Le jeu apparaît comme le lien de l’existence sociale. Dans les deux schémas, le jeu est le lien, sauf que dans le premier il est intégré et donc devient une fin, alors que dans le second schéma, il est dissocié et apparaît comme un moyen à l’expression et au maintien du groupe social. Il en va sans dire que sont présentés ici deux schémas pour faire comprendre des différences entre deux tendances. Nous refusons par là tout modèle fixe du jeu. Il n’en reste pas moins que l’expression : “ceci n’est pas un jeu”, trahi souvent des esprits bien plus rigides que mon analyse. La structuration d’une pensée est donc bien une question vitale.
Ainsi, nous voyons que tout oppose l’économie locale à la Bourse. En ce sens, la Bourse (dont le vocabulaire évoque le jeu) est tout l’inverse des jeux de hasard. Dans les lotos, par exemple, les critères mis en avant sont la collectivité, la dépendance et la générosité. Que nous prenions le loto, inventé par Casanova, ou le Bingo Inuit, ou encore la Quine en Gironde qui demeure très différents pour un jeu fort semblable, les trois principes sont respectés (dépendance, générosité, collectivité). Dans le loto à l’époque de Casanova la curiosité et l’enthousiasme animaient les salles; pour la Bingo Inuit, les salles communales pleines à craquer, les personnes s’accroupissent même par terre et retrouvent dans un brouhaha les réflexes de leur communauté. Bien différent est la Quine de Cudos en novembre 2002 où dans la salle des fêtes adossées à un bistrot, la population joue dans un silence religieux. Là aussi dans ce dernier cas, la collectivité se retrouve.
La Bourse, c’est bien différent, elle vise dans son idéal à être autonome (inverse de la dépendance) avec une “main invisible” régule le marché en trouvant un optimal (équilibre). Cette régulation serait produite par l’égoïsme des joueurs (inverse de la générosité). De plus, elle développe un modèle individuel (inverse de la collectivité). C’est pour cette raison que la Bourse prolifère sur le mode du jeu car, le système se veut autonome. Elle utilise le modèle du jeu animé par des principes d’action collective, de dépendance et de générosité (c’est-à-dire de don et donc d’échange en déséquilibre) pour s’éprendre. Ainsi, dans un système comme la Bourse, le jeu se maintient lui-même. Le jeu a dans ce cadre pour fin lui-même.
A ce titre, le nombrilisme boursier n’a rien de local et ne peut s’exprimer que dans une démarche globale. Il est assuré que toute démarche d’économie locale qui viserait à s’appuyer sur la Bourse ira vers des désillusions futures. L’économie locale vise à ce que les hommes et les femmes ne soient plus les acteurs et les actrices d’une mise en scène théâtrale et ludique du quotidien, elle ne crée pas de distinction entre personnalité réelle et personnalité virtuelle, elle n’est pas une globalité du monde créant des individus uniformes et standards. L’économie locale exprime d’abord la diversité dans le quotidien; les hommes et les femmes étant des personnes avec des visages et des noms. L’économie locale ne produit pas une caricature théâtrale des hommes, puisque le théâtre est sur les planches joués par des comédiens et non dans le quotidien. Le jeu retrouve sa place de maintien, non de lui-même, mais du vivant parce que dans la localité, il exprime la diversité et non la globalité de quelques élites.>>
<< Voir le texte intégral : La Société de Jeu >>
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire