Certains
d’entre vous n’ont peut-être jamais entendu parlé de l’ouvrage
de Pierre Clastre, publié en 1974, La société contre l’Etat,
dans lequel il explique la décision de certaines sociétés de
refuser volontairement la formation d’un Etat pour gérer
l’organisation de leur quotidien, refusant par là même l’autorité
qui lui est attachée et cette idée de la supériorité d’une
structure qui soumettrait l’ensemble de la société à des lois
issues de l’arbitraire et non de la relation logique et nécessaire
au monde qui nous entoure.
C’est
bien en repensant à ce texte et toutes les réflexions qu’il a
généré que je me suis mis à percevoir un Etat actuel devenu
autonome de la société, des citoyens que nous sommes, et qui peut
non seulement se passer de notre assentiment, mais nous imposer des
règles contraires à l’intérêt d’un pays dans le seul but
d’entretenir la domination du groupe indistinct qui le dirige.
Ce
qui paraissait encore, il y a quelques temps de la fiction, devient
aujourd’hui une réalité, un groupuscule ultra minoritaire, sans
ancrage territorial, peut décider du destin de chacun d’entre
nous.
Ce
pouvoir ne peut adopter de fait qu’une logique violente contre la
société dans la mesure où celle-ci consciente de l’agression
qu’elle subit et des pertes constatables, naturellement va commencer
à se rebeller, tel un animal blessé, et va demander qu’on lui
rende son État. Car, certainement l’enjeu est précisément ici.
Groupe
ultra minoritaire qui se compose tant d’une majorité au pouvoir
que d’une opposition. Ne nous y trompons pas, et le confinement
nous l’a rappelé, ils étaient tous pour nous enfermer, et il n’y
avait au demeurant aucune distinction de fond entre tous ces clans.
Nous
assistons à l’émergence de groupes politiques dont leur programme
vise une application violente de leurs idées, avec l’absence forte
et constatable des citoyens. Il n’y a dans cette démarche aucune
remise en question de cette domination unanime des structures d’Etat,
de l’autocontrôle administratif et de cette volonté de diriger
par la force.
Car,
la force d’un Etat contrairement à ce que l’on entend
constamment n’est pas de dire ce que l’on doit faire ou pas
faire, mais devrait, sans aucun doute, permettre aux citoyens de dire
ce qu’il veut faire ou pas faire, dans le respect de la liberté de
choix de la personne.
C’est
en ce sens que l’Etat, outil qui devrait être au service des
citoyens et du pays pour en marquer les frontières, protéger ses
membres, devient un outil au service d’une idéologie unique
éclatée en plusieurs formations politiques qui jouent
médiatiquement à leur opposition. Qui ne peuvent d’ailleurs que
la jouer médiatiquement, puisque le fond est finalement identique.
Dans
cette affaire la place des médias est devenue d’ailleurs
considérable qui, à eux seuls, peuvent placer un pays dans la
torpeur et la paralysie, même sur la base d’informations
construites, voire d’une vision contestable, simplement en répétant
en boucle une idée qui finit par devenir obsessionnelle et réelle
du seul fait de la répéter.
Il
est pourtant important de rappeler qu’en France, il y a encore au
moment où j’écris une Sécurité Sociale distincte des structures
de l’Etat, même si ce dernier aimerait bien l’avaler ou la
privatiser. La distinction entre l’Etat et la Sécurité Sociale
est fondamentale.
La
Sécurité Sociale a une mission très précise divisée en quatre
branches : financer les retraites, la santé, soutenir les
familles et les plus fragiles, et aussi aider les personnes en très
grandes dépendances. Pour ce fait, la Sécurité Sociale perçoit
des cotisations, et non des impôts. La cotisation est une somme
d’argent dont on connait la destination. Un exemple simple est la
cotisation retraite pour financer les retraites. Ce socle sécurité
sociale pèse aujourd’hui autour de 500 milliards et est géré
paritairement, c’est-à-dire de façon collégiale entre les
partenaires sociaux, c’est-à-dire les représentants des salariés,
des patrons et de l’Etat. Il est vrai que l’on peut déplorer
l’absence de représentants d’associations citoyennes et
d’usagers de l’administration.
L’Etat
a une mission à l’origine bien différente qui se focalise autour
des pouvoirs régaliens, ceux de la défense, de la représentation
internationale et de la justice. Il est celui qui dirige des
administrations pour organiser les relations quotidiennes et
permettre aux développements de la société. C’est pourquoi,
l’Etat perçoit des impôts et des taxes, et non des cotisations,
car l’argent est indifférencié, c’est-à-dire que l’on ne
sait pas où il sera dépensé. Il y a donc ce que nous appelons
couramment une universalité et une autonomie budgétaire. Sauf,
qu’aujourd’hui, cet Etat cherche à contrôler, dans une volonté
de totalité, l’ensemble des paramètres de la société, y compris
de la Sécurité Sociale à laquelle il fait porter bien des dépenses
dont elles n’étaient pas chargée à l’origine. Il y une volonté
d’étatiser l’ensemble de la société. Là aussi, nous notons
comment le citoyen est absent des structures de décisions et de
contrôles des propres administrations qui ordonnent son quotidien.
Cette
distinction élémentaire, entre l’Etat et la Sécurité Sociale,
est fondamentale car, ces promoteurs connaissaient les appétits
étatiques et cherchaient donc à nous en prémunir.
Or,
tous les verrous sont en train d’exploser, et nous assistons à une
offensive dure du groupuscule qui contrôle le sommet de l’Etat,
comprenons-nous bien, l’ensemble du sommet y compris les
oppositions politiques, qui laissent sans défense, sans possibilité
de décider de son avenir, des choix quotidiens, les citoyens que
l’on présente, à longueur de journaux, comme des enfants,
immatures, qu’ils faut contraindre par la menace d’une sanction
afin de leur faire accomplir des actes contraires à leurs propres
intérêts. L’objectif est, me semble-t-il, simple et universel à
l’histoire, celle du contrôle des peuples dans l’unique but
qu’ils continuent de servir docilement ceux-là mêmes qui les
soumettent.
Il
y a me semble-t-il aujourd’hui qu’une seule véritable
opposition, celle des citoyens eux-mêmes, malheureusement trop
éclatés, pas réunifiés, mais qui refusent malgré tout
l’injonction étatique, et qui souhaitent pouvoir décider et
organiser eux-mêmes leur destin et leur quotidien, afin de
reconquérir leurs droits fondamentaux et constitutionnels.
Seule
cette libération permettra un éveil et une nouvelle organisation de
notre monde face à des enjeux planétaires, économiques et
environnementaux de premiers plans.
Non
seulement, nous devons nous faire confiance en tant que citoyens,
mais, en fond, nous ne pouvons pas dire que nous sommes assez
éveillés politiquement pour voter et expliquer parallèlement que
nous serions immatures pour décider de notre avenir. Soit nous
pouvons voter et décider, soit nous ne pouvons faire ni l’un et ni
l’autre.
La
reprise en main de la société par ceux-là mêmes qui la vivent,
c’est revenir à notre responsabilité citoyenne.
Or,
aujourd’hui, tout le monde dans l’hémicycle politique parle de
plan, de planification, de contrôle, de sanction, d’autorité, du
pouvoir de l’Etat contre la société, et non pas de partage,
d’organisation citoyenne, d’économie locale et intégrée au
vivant, de gestion partagée.
Le
pouvoir échappe aux citoyens pourtant premier concerné par les
décisions prises.
Nous
piétinons la liberté et la responsabilité individuelle alors même
qu’elle est à la base d’une organisation d’avenir et
salvatrice.
Nous
arrivons même à en oublier sa saveur. Dans ce sens le droit est
primordial, et l’éducation et la connaissance au cœur même de
notre éveil.
C’est
bien à la reprise en main de cet Etat contre la société, que les
citoyens doivent travailler, s’ils souhaitent avoir demain un
avenir qui respecte nos libertés élémentaires comme celles de
notre environnement.
Comme
l’a rappelé Alexis de Tocqueville dans son ouvrage L’Ancien
Régime et la Révolution, en son chapitre VIII : « A
plusieurs reprises, depuis que la Révolution a commencé jusqu’à
nos jours, on voit la passion de la liberté s’éteindre, puis
renaître, puis s’éteindre encore, et puis encore renaître ;
ainsi fera-t-elle longtemps, toujours inexpérimentée et mal réglée,
facile à décourager, à effrayer et à vaincre, superficielle et
passagère. Pendant ce même temps la passion pour l’égalité
occupe toujours le fond des cœurs dont elle s’est emparée la
première ; elle s’y retient aux sentiments qui nous sont les
plus chers ; tandis que l’une change sans cesse d’aspect,
diminue, grandit, se fortifie, se débilite suivant les évènements,
l’autre toujours la même, toujours attachée au même but avec la
même ardeur obstinée et souvent aveugle, prête à tout sacrifier à
ceux qui lui permettent de se satisfaire, et à fournir au
gouvernement qui veut la favoriser et la flatter les habitudes, les
idées, les lois dont le despotisme a besoin pour régner ».
Nous
prenons la mesure de la liberté que lorsque nous l’avons perdue et
que les compensations matérielles disparaissent aussi.
Absent
des instances de décision, les citoyens ont besoin de la mise en
place d’un pouvoir de régulation, dont la mission principale doit
être de leur permettre de participer à l’ensemble des instances
de décision et de contrôle.
Voir Aussi :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire