jeudi 23 juillet 2020

L'Etat contre la société


Certains d’entre vous n’ont peut-être jamais entendu parlé de l’ouvrage de Pierre Clastre, publié en 1974, La société contre l’Etat, dans lequel il explique la décision de certaines sociétés de refuser volontairement la formation d’un Etat pour gérer l’organisation de leur quotidien, refusant par là même l’autorité qui lui est attachée et cette idée de la supériorité d’une structure qui soumettrait l’ensemble de la société à des lois issues de l’arbitraire et non de la relation logique et nécessaire au monde qui nous entoure.
 
C’est bien en repensant à ce texte et toutes les réflexions qu’il a généré que je me suis mis à percevoir un Etat actuel devenu autonome de la société, des citoyens que nous sommes, et qui peut non seulement se passer de notre assentiment, mais nous imposer des règles contraires à l’intérêt d’un pays dans le seul but d’entretenir la domination du groupe indistinct qui le dirige. 
 
Ce qui paraissait encore, il y a quelques temps de la fiction, devient aujourd’hui une réalité, un groupuscule ultra minoritaire, sans ancrage territorial, peut décider du destin de chacun d’entre nous. 
 
Ce pouvoir ne peut adopter de fait qu’une logique violente contre la société dans la mesure où celle-ci consciente de l’agression qu’elle subit et des pertes constatables, naturellement va commencer à se rebeller, tel un animal blessé, et va demander qu’on lui rende son État. Car, certainement l’enjeu est précisément ici. 
 
Groupe ultra minoritaire qui se compose tant d’une majorité au pouvoir que d’une opposition. Ne nous y trompons pas, et le confinement nous l’a rappelé, ils étaient tous pour nous enfermer, et il n’y avait au demeurant aucune distinction de fond entre tous ces clans.
 
Nous assistons à l’émergence de groupes politiques dont leur programme vise une application violente de leurs idées, avec l’absence forte et constatable des citoyens. Il n’y a dans cette démarche aucune remise en question de cette domination unanime des structures d’Etat, de l’autocontrôle administratif et de cette volonté de diriger par la force. 
 
Car, la force d’un Etat contrairement à ce que l’on entend constamment n’est pas de dire ce que l’on doit faire ou pas faire, mais devrait, sans aucun doute, permettre aux citoyens de dire ce qu’il veut faire ou pas faire, dans le respect de la liberté de choix de la personne.

C’est en ce sens que l’Etat, outil qui devrait être au service des citoyens et du pays pour en marquer les frontières, protéger ses membres, devient un outil au service d’une idéologie unique éclatée en plusieurs formations politiques qui jouent médiatiquement à leur opposition. Qui ne peuvent d’ailleurs que la jouer médiatiquement, puisque le fond est finalement identique. 
 
Dans cette affaire la place des médias est devenue d’ailleurs considérable qui, à eux seuls, peuvent placer un pays dans la torpeur et la paralysie, même sur la base d’informations construites, voire d’une vision contestable, simplement en répétant en boucle une idée qui finit par devenir obsessionnelle et réelle du seul fait de la répéter. 
 
Il est pourtant important de rappeler qu’en France, il y a encore au moment où j’écris une Sécurité Sociale distincte des structures de l’Etat, même si ce dernier aimerait bien l’avaler ou la privatiser. La distinction entre l’Etat et la Sécurité Sociale est fondamentale. 
 
La Sécurité Sociale a une mission très précise divisée en quatre branches : financer les retraites, la santé, soutenir les familles et les plus fragiles, et aussi aider les personnes en très grandes dépendances. Pour ce fait, la Sécurité Sociale perçoit des cotisations, et non des impôts. La cotisation est une somme d’argent dont on connait la destination. Un exemple simple est la cotisation retraite pour financer les retraites. Ce socle sécurité sociale pèse aujourd’hui autour de 500 milliards et est géré paritairement, c’est-à-dire de façon collégiale entre les partenaires sociaux, c’est-à-dire les représentants des salariés, des patrons et de l’Etat. Il est vrai que l’on peut déplorer l’absence de représentants d’associations citoyennes et d’usagers de l’administration.

L’Etat a une mission à l’origine bien différente qui se focalise autour des pouvoirs régaliens, ceux de la défense, de la représentation internationale et de la justice. Il est celui qui dirige des administrations pour organiser les relations quotidiennes et permettre aux développements de la société. C’est pourquoi, l’Etat perçoit des impôts et des taxes, et non des cotisations, car l’argent est indifférencié, c’est-à-dire que l’on ne sait pas où il sera dépensé. Il y a donc ce que nous appelons couramment une universalité et une autonomie budgétaire. Sauf, qu’aujourd’hui, cet Etat cherche à contrôler, dans une volonté de totalité, l’ensemble des paramètres de la société, y compris de la Sécurité Sociale à laquelle il fait porter bien des dépenses dont elles n’étaient pas chargée à l’origine. Il y une volonté d’étatiser l’ensemble de la société. Là aussi, nous notons comment le citoyen est absent des structures de décisions et de contrôles des propres administrations qui ordonnent son quotidien.

Cette distinction élémentaire, entre l’Etat et la Sécurité Sociale, est fondamentale car, ces promoteurs connaissaient les appétits étatiques et cherchaient donc à nous en prémunir. 
 
Or, tous les verrous sont en train d’exploser, et nous assistons à une offensive dure du groupuscule qui contrôle le sommet de l’Etat, comprenons-nous bien, l’ensemble du sommet y compris les oppositions politiques, qui laissent sans défense, sans possibilité de décider de son avenir, des choix quotidiens, les citoyens que l’on présente, à longueur de journaux, comme des enfants, immatures, qu’ils faut contraindre par la menace d’une sanction afin de leur faire accomplir des actes contraires à leurs propres intérêts. L’objectif est, me semble-t-il, simple et universel à l’histoire, celle du contrôle des peuples dans l’unique but qu’ils continuent de servir docilement ceux-là mêmes qui les soumettent.

Il y a me semble-t-il aujourd’hui qu’une seule véritable opposition, celle des citoyens eux-mêmes, malheureusement trop éclatés, pas réunifiés, mais qui refusent malgré tout l’injonction étatique, et qui souhaitent pouvoir décider et organiser eux-mêmes leur destin et leur quotidien, afin de reconquérir leurs droits fondamentaux et constitutionnels. 
 
Seule cette libération permettra un éveil et une nouvelle organisation de notre monde face à des enjeux planétaires, économiques et environnementaux de premiers plans. 
 
Non seulement, nous devons nous faire confiance en tant que citoyens, mais, en fond, nous ne pouvons pas dire que nous sommes assez éveillés politiquement pour voter et expliquer parallèlement que nous serions immatures pour décider de notre avenir. Soit nous pouvons voter et décider, soit nous ne pouvons faire ni l’un et ni l’autre. 
 
La reprise en main de la société par ceux-là mêmes qui la vivent, c’est revenir à notre responsabilité citoyenne.

Or, aujourd’hui, tout le monde dans l’hémicycle politique parle de plan, de planification, de contrôle, de sanction, d’autorité, du pouvoir de l’Etat contre la société, et non pas de partage, d’organisation citoyenne, d’économie locale et intégrée au vivant, de gestion partagée. 
 
Le pouvoir échappe aux citoyens pourtant premier concerné par les décisions prises.
Nous piétinons la liberté et la responsabilité individuelle alors même qu’elle est à la base d’une organisation d’avenir et salvatrice. 
 
Nous arrivons même à en oublier sa saveur. Dans ce sens le droit est primordial, et l’éducation et la connaissance au cœur même de notre éveil.

C’est bien à la reprise en main de cet Etat contre la société, que les citoyens doivent travailler, s’ils souhaitent avoir demain un avenir qui respecte nos libertés élémentaires comme celles de notre environnement. 
 
Comme l’a rappelé Alexis de Tocqueville dans son ouvrage L’Ancien Régime et la Révolution, en son chapitre VIII : « A plusieurs reprises, depuis que la Révolution a commencé jusqu’à nos jours, on voit la passion de la liberté s’éteindre, puis renaître, puis s’éteindre encore, et puis encore renaître ; ainsi fera-t-elle longtemps, toujours inexpérimentée et mal réglée, facile à décourager, à effrayer et à vaincre, superficielle et passagère. Pendant ce même temps la passion pour l’égalité occupe toujours le fond des cœurs dont elle s’est emparée la première ; elle s’y retient aux sentiments qui nous sont les plus chers ; tandis que l’une change sans cesse d’aspect, diminue, grandit, se fortifie, se débilite suivant les évènements, l’autre toujours la même, toujours attachée au même but avec la même ardeur obstinée et souvent aveugle, prête à tout sacrifier à ceux qui lui permettent de se satisfaire, et à fournir au gouvernement qui veut la favoriser et la flatter les habitudes, les idées, les lois dont le despotisme a besoin pour régner ».

Nous prenons la mesure de la liberté que lorsque nous l’avons perdue et que les compensations matérielles disparaissent aussi. 
 
Absent des instances de décision, les citoyens ont besoin de la mise en place d’un pouvoir de régulation, dont la mission principale doit être de leur permettre de participer à l’ensemble des instances de décision et de contrôle. 
 
Voir Aussi :
 

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