Je
souhaitais mettre en ligne ce passage où je discute de la mythologie
dans nos sociétés actuelles et l'importance qu'elle occupe. Extrait de
mon ouvrage "Préliminaires d'une métamorphose" :
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"Sujet
de prédilection de l’anthropologie, les mythes peuvent se définir
en premier comme des histoires fantastiques qui fondent le monde. Ils
peuvent se penser en eux-mêmes, comme l’avait démontré Claude
Lévi-Strauss, et aussi se penser en l’homme.
Comme
une musique,
ils ont plusieurs niveaux de lecture :
en suivant leur déroulé, les évènements
de leur histoire (diachronie)
ou alors comparant les éléments entre
eux (synchronie).
Roland
Barthe a démontré qu’il était aussi possible d’appliquer
l’étude des mythes à un objet et à notre époque qui se
définissait comme « moderne ».
Riche
de ces différentes approches, il me semble raisonnable d’écrire
que les mythes sont des histoires, des discours sur des objets ou des
axiomes autour desquels prolifère un récit fondateur et
incritiquable, et sur lequel se crée une organisation sociale,
économique et politique.
Il
y a un côté fondateur important aux mythes que nous allons
largement retrouver dans l’analyse qui suit, d’où la nécessité
de nous arrêter sur cet aspect.
Le
récit véhicule une idée souvent simple qui va donner une forme de
légitimité spirituelle à l’organisation sociale qui se met en
place.
Comme
le récit est au fondement de notre monde, il en devient de fait
incritiquable puisque toute remise en cause est une atteinte portée
à nos fondements. Ces derniers ont de fait une valeur morale et
spirituelle.
Nous
pouvons en effet étudier le récit des mythes, mais ce ne sera pas
leur analyse qui les fera tomber, même si leur logique est en
contradiction avec notre monde.
Dans
la mesure où il fonde une société, seul un discours qui
introduirait une nouvelle histoire fondatrice pourrait remplacer le
mythe.
Ce
n’est donc pas par la conscience que passe la critique d’un mythe
fondateur et de la logique qui en naît, mais par le sensible et la
création collective d’un nouveau mythe.
Sans
nous attarder sur la question de la conscience, vous remarquerez
comment le fait d’éclairer des populations sur certains dangers ne
modifie pas leurs comportements. C’est parce qu’il y a une
« insuffisance de la conscience » qui ne permet pas de
passer à l’action.
La
« conscience » est un concept très récent né avec la
modernité qui entend qu’une chose soit connue et ressentie pour
nous pousser à l’action.
Cette
façon de voir est loin du mythe puisque, comme il a été dit, le
mythe peut se penser en lui-même, en nous et malgré nous. Il y a
donc de fait une dissociation entre action et conscience en ce qui
concerne les mythes.
Sauf,
et c’est ce qu’il est maintenu dans cet ouvrage, ce sont bien les
mythes, c’est-à-dire des discours sur notre fondation qui sont à
l’origine des principes directeurs de notre société."