mardi 15 août 2023

Mythologie économique - des discours à l’origine des principes directeurs de notre société


Je souhaitais mettre en ligne ce passage où je discute de la mythologie dans nos sociétés actuelles et l'importance qu'elle occupe. 

Extrait de mon ouvrage "Préliminaires d'une métamorphose" :

 

Télécharger Préliminaires d'une métamorphose 

 

"Sujet de prédilection de l’anthropologie, les mythes peuvent se définir en premier comme des histoires fantastiques qui fondent le monde. Ils peuvent se penser en eux-mêmes, comme l’avait démontré Claude Lévi-Strauss, et aussi se penser en l’homme.

Comme une musique1, ils ont plusieurs niveaux de lecture :

  1. en suivant leur déroulé, les évènements de leur histoire (diachronie)

  2. ou alors comparant les éléments entre eux (synchronie).

Roland Barthe a démontré qu’il était aussi possible d’appliquer l’étude des mythes à un objet et à notre époque qui se définissait comme « moderne »2.

Riche de ces différentes approches, il me semble raisonnable d’écrire que les mythes sont des histoires, des discours sur des objets ou des axiomes autour desquels prolifère un récit fondateur et incritiquable, et sur lequel se crée une organisation sociale, économique et politique.

Il y a un côté fondateur important aux mythes que nous allons largement retrouver dans l’analyse qui suit, d’où la nécessité de nous arrêter sur cet aspect.

Le récit véhicule une idée souvent simple qui va donner une forme de légitimité spirituelle à l’organisation sociale qui se met en place.

Comme le récit est au fondement de notre monde, il en devient de fait incritiquable puisque toute remise en cause est une atteinte portée à nos fondements. Ces derniers ont de fait une valeur morale et spirituelle.

Nous pouvons en effet étudier le récit des mythes, mais ce ne sera pas leur analyse qui les fera tomber, même si leur logique est en contradiction avec notre monde.

Dans la mesure où il fonde une société, seul un discours qui introduirait une nouvelle histoire fondatrice pourrait remplacer le mythe.

Ce n’est donc pas par la conscience que passe la critique d’un mythe fondateur et de la logique qui en naît, mais par le sensible et la création collective d’un nouveau mythe.

Sans nous attarder sur la question de la conscience, vous remarquerez comment le fait d’éclairer des populations sur certains dangers ne modifie pas leurs comportements. C’est parce qu’il y a une « insuffisance de la conscience » qui ne permet pas de passer à l’action.

La « conscience » est un concept très récent né avec la modernité qui entend qu’une chose soit connue et ressentie pour nous pousser à l’action.

Cette façon de voir est loin du mythe puisque, comme il a été dit, le mythe peut se penser en lui-même, en nous et malgré nous. Il y a donc de fait une dissociation entre action et conscience en ce qui concerne les mythes.

Sauf, et c’est ce qu’il est maintenu dans cet ouvrage, ce sont bien les mythes, c’est-à-dire des discours sur notre fondation qui sont à l’origine des principes directeurs de notre société."

 

1 Lévi-Strauss Claude, « La structure des mythes », pp. 235-265, in Lévi-Strauss Claude, Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958 et 1974 ; et les quatre volumes de Lévi-Strauss Claude, Les Mythologiques, Plon, Paris, 1964, 1966, 1968 et 1971.

2 Barthes Roland, Mythologies, Essais, éd. Seuil, Paris, 1970.

 

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