Il y a quelques années encore alors que j'écrivais mon doctorat de droit, j'étais tombé sur cette analyse du Doyen Léon Duguit sur le fait que la « décentralisation proprement dite est inconciliable avec la personnalité souveraine et indivisible de l’État », il ajoutait aussi en parallèle « comment la théorie moderne de la souveraineté n’est au fond qu’une création de l’Ancien Régime ... ». Il donnait aussi cet exemple pour bien nous faire comprendre comment un élu local n'est pas forcément un représentant de la localité, en effet lorsqu'un maire qui exerce ses pouvoirs de police dans sa commune « ne peut pas être considéré comme appartenant à la commune, et que le maire qui l’exerce est un instrument de l’autorité centrale et non point un agent décentralisé organe du groupe communal ». Léon Duguit connaissait les risques de la naissance d'un État sur-dominant d'où cette recommandation « que le développement de la décentralisation par service est la condition indispensable pour que le nombre de services publics puisse s’accroître sans que la puissance de l’État devienne excessive et absorbe les initiatives individuelles ».
Je souhaitais rappeler rapidement ces quelques réflexions de Duguit car elles font échos à notre époque qui entre dans les premiers temps de la post-modernité, c'est-à-dire ce qui arrive après l'idée centrale de la modernité et la progression technique perpétuelle et illimitée de notre société. D'ailleurs cette vision évolutionniste, devrions-nous dire cette mythologie, construisait non seulement notre regard de l'avenir matérialiste que notre vue de l'histoire, y compris celle, très approximative, que nous enseignons à l'école, d'une sorte de progression du primaire vers le mieux. Ce que nous apprend donc Duguit est que pour avoir une société de services (publics) il deviendra impératif que la souveraineté de l’État diminue et donc indirectement quitter cette vision progressive pour une vision plus territoriale et locale.
Dans le cadre d'un progressisme moderniste, cette idée pourrait paraître abscons, mais dans le cadre d'une post-modernité, elle prend du sens et notamment dans cette urgence qui se présente à nous, celle de la gestion des ressources naturelles et la lutte contre les pollutions.
Car, nous devrions rappeler que les deux secteurs les plus polluants et énergivores sans concurrence aucune sont l'administration et les transports. Serait-il temps alors de nous demander quels sont les objectifs de ces deux secteurs d'activités ?
Puisqu'aujourd'hui, lorsqu'on nous parle de l'économie d'énergie qu'entendons-nous : qu'il faut couper l'eau de la douche quand nous nous savonnons, éteindre les lumières lorsqu'on part de chez nous, descendre le chauffage de 20° à 19°, voire 18°, fermer la porte quand on met la climatisation (une loi est même proposée sur ce sujet)....ces affirmations sont-elles à la hauteurs des enjeux ? Quand en parallèle les routes du Tour de France sont arrosées pour les refroidir et permettre aux cyclistes de passer, que les pelouses des golfs sont arrosées ou que nos dirigeants voyages en jet privé sans mutualiser les déplacements ?
Qui a entendu parlé d'un grand plan de réduction énergétique qui toucherait réellement les deux grands secteurs que sont l'administration et les transports ?
Qui a entendu parlé d'une réforme qui viserait la simplification absolue ou la suppression de démarches administratives ou d'administration ?
Au contraire, ce secteur ne fait que s’alourdir, plus il est dématérialisé, plus il croisse.
Qui a entendu parlé d'une réduction du mille feuille administratif ?
D'une reforme de la division des territoires ?
Une réductions des commissions et instances administratives ?
Qui a entendu parlé d'un grand plan transport ?
La gratuité des transports collectifs ?
Une vraie offre de transports collectifs ?
Des transports partagés ?
La remise en fonction des trains locaux ?
Des trams départementaux ?
Du développement d'une économie locale pour que chacun puisse avoir près de chez lui les biens les plus élémentaires ?
Est-il encore concevable de devoir prendre sa voiture pour acheter une baguette de pain, et pourtant dans certaines villes ou campagnes s'est une nécessité ?
Avez-vous entendu parlé d'un plan pour le rapprochement entre le domicile et le lieu de travail ? Ou sur les déplacements professionnels ?
Tout le monde veut lutter contre la voiture en ville alors que lorsque vous postulez à un emploi la première chose que l'on vous demande c'est de savoir si vous avez le permis de conduire ?
Nous voyons bien que la modernité se termine, contradictoire elle ne répond plus au aspirations de nos sociétés, qu'il est temps de passer à autre chose et surtout de nous en donner les moyens.
Cette âge que l'on appelle post-modernité est pour moi celui de la régulation : régulations de nos ressources naturelles, de notre Terre, de nos sociétés et nos décisions collectives.
L'âge de la régulation commence aujourd'hui, et elle appelle forcément comme le présentait Duguit à la limitation du pouvoir vertical de l’État et à la naissance d'un localisme territorial.
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